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Verticale de la cuvée Frédéric Emile en 24 millésimes

Verticale de la cuvée Frédéric Emile en 24 millésimes

Verticale de la cuvée Frédéric Emile en 24 millésimes

Vendredi 22 novembre 2013 (au domaine, à Ribeauvillé)

Participants : Pierre Trimbach, Anne Trimbach, Cécile Debroas, Didier Sanchez, Cyrille de Beaucorps, Philippe Ricard, Miguel Sennoun, Florent Ruch, Laurent Gibet.

Compte-rendu rédigé par Laurent Gibet.

Mise en bouche : Riesling 2011 : LG15/20

Belle matière, mûre, dynamique, citronnée, ouverte. Pas de sensation alcoolique particulière (comme cela arrive sur ce millésime).


1. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2012 : LG16,5/20

Un éclat floral très appétissant pour ce vin à la jeunesse déployée, proposant des arômes de poire, de citron, de menthe, de melon confit. Agréable mâche, élancée, aromatique, savoureuse, tonique.

Une construction fraîche et prometteuse pour ce nouveau-né (mais c’est bien 2007 qui est proposé à la vente aujourd’hui). Le triptyque générique minéral/végétal/agrumes de la maison Trimbach, pour des Rieslings « secs », est en place.

2. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2011 : LG16,5/17

On trouve ici la richesse du millésime sur des senteurs d’eau de vie blanche, de bouquet de menthe fraîche, d’épices, de réglisse (ce 2011, à 13,5°, titre un degré de plus que le 2012). Bouche assez capiteuse (mais pas lourde), corsée, à la fois grasse et tendue. Beau retour acide et zesté en fin de bouche pour un vin précis et prégnant.

3. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2010 : LG18/20

Le grand millésime permet ici la production d’un vin cristallin. Parfums de lys, de bâton de réglisse, de pêche blanche très mûre, de citron, avec un début de miel et les fringants apports aromatiques d’une brassée de plantes et fleurs à tisane.

Bouche complète, sereine, très gourmande, persistante. Grande réussite, en devenir.

4. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2009 : LG17,5/20

14° d’alcool, moins de 3g de sucre résiduel.

Nez expressif, assez solaire, exprimant des notes d’eau de vie de poire, d’agrumes divers, de pastille Vichy, de tilleul.

Bouche charnue mais sans mollesse, assez expansive, se terminant sur des goûts salins et épicés, avec une légère sensation alcoolique.

5. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2008 : LG16,5/17

Cassis, lait de coco, décoction de verveine, tarte au citron meringuée, granny-smith, festival d’agrumes …

Bouche encore simple gustativement parlant, en attente, acide (une acidité pointue qui devra se discipliner, nous confie notre hôte), au scalpel. Sa forme très allongée est aux antipodes de celle du 2009 (bien plus enrobé). On y trouve toute la rigueur du septentrion (et du style de la maison) et une amertume qui me va bien.

6. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2007 : LG17/20

On note ici un peu de réduction initiale et l’émergence d’un duo terpénique/balsamique, accompagné de senteurs de crème de cassis, de noix de coco, de confiture de mirabelles.

La matière est pleine (plus enveloppée que celle du 2008), cohérente, minérale, entraînée par de nobles amers, encore sur la réserve (en termes d’épanchement aromatique et de déploiement de matière). Cela devrait venir avec les années.

7. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2006 : LG16/20

13° d’alcool, 6g de sucre résiduel, 10% de vendange tardive.

Encore un style très différent sur ce millésime épineux. L’allure est câline avec ses inflexions principalement (et tendrement) fruitées évoquant la nèfle, le coing (on pourrait presque penser à du chenin voire à du mauzac gaillacois), les fruits confits, la Reine-Claude très mûre, la mandarine. La bouche se déroule de manière affable, propre (on n’y trouve pas l’excès de  champignon trouvé dans le Clos Sainte-Hune 2006), assistée par une acidité minimale (sans trop de vigueur mais sans avachissement pour autant).

Note : j’ai bu Frédéric Emile 2006 au restaurant Crouzil de Plancoët fin novembre 2013. Un flacon un peu défaillant (en demi-bouteille), très flottant pour le coup, baroque à coup sûr, avec beaucoup trop de notes champignonnées (le sommelier le jugeait nickel).

8. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2005 : LG17,5/20

On retrouve un cador sur ce millésime fougueux. Le nez donne une impression de grande richesse avec ses accents pâtissiers (Paris-Brest, fève de tonka), pralinés, torréfiés, mielleux. Mirabelle, citron confit, clémentine complètent ce tableau disert.

Matière dense, jouissive, corsée, très longue, d’avenir mais somme toute plus délivrée (délurée) que celle du Clos Sainte-Hune 2005, qui patientera (lors d’un repas sur Paris, j’avais bu côte à côte Frédéric Emile 2005 et Clos Sainte-Hune 2005, trouvant le Clos Sainte-Hune plus puissant).

9. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2004 : LG16/20

Le nez, sérieux, nettement moins radieux que celui du 2005, offre des parfums plus réservés de bonbon des Vosges, de verveine citronnelle. Les inflexions végétales/racinaires du millésime sont là, sans excès. Profil longiligne, svelte, sans tapage mais calé sur cette rigueur propre aux vins du domaine.

10. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2002 : LG16,5/20

J’ai déjà croisé ce vin une dizaine de fois. Ce matin, il se présente sous forme complexe, pure, cristalline, rayonnante. Notes de kumquat, de marmelade d’oranges, de girofle, de cumin. Matière réactive et fondue mais qui semble manquer d’un petit peu d’énergie (en comparaison avec le 2005 puis aussi, rétroactivement, avec le 2001). Pas de souci d’oxydation en tout cas, comme on peut en avoir parfois avec une bouteille de Clos Sainte-Hune 2002 potentiellement à la peine (cf. le compte-rendu de la verticale du Clos Sainte-Hune au domaine du 29 mai 2013, cette cuvée ayant paradoxalement bénéficié d’un bouchonnage plus soigné/onéreux).

11. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2001 : LG17,5/20

Olfaction mûre et profonde, radieuse. Notes de thé earl grey, de pain d’épices, de prunes, de cailloux chauffés par le soleil, …

Ce 2001 à l’acidité conquérante, moins aimable mais plus charpenté que le 2002, brille par ses belles saveurs intégrées. Seule une comparaison côte à côte permettrait d’évaluer les puissances respectives de cette cuvée et du Clos Sainte-Hune sur ce millésime (et ce serait encore mieux à l’aveugle, pour donner toute ses chances à la cuvée assemblant le Geisberg et l’Osterberg, moins rare car produite en quantité 5 fois supérieure à celle du Rosacker, ce qui correspond en moyenne à 30 000 bouteilles par an).

12. Trimbach Riesling Frédéric Emile 2000 : LG16/16,5

Senteurs de cire, de confiture de prunes vertes et jaunes, d’épices, de menthe. Ce vin mûr mais plutôt strict en bouche, est articulé sur son acidité (même colonne acide intraitable pour le Clos Sainte-Hune 2000), pour une finale un peu réticente.

13. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1999 : LG17,5/20

Jeunesse austère, à l’instar du Clos sainte-Hune du même millésime. Un vin qui se mielle un peu, avec de la craie, du poivre, de la camomille. Tous les ingrédients sont là, encore bien comprimés (et Pierre Trimbach nous affirme que cette bouteille est pourtant plutôt causante). Un vin concentré, doté d’une forte acidité, particulièrement durable.

14. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1998 : LG16/20

Ce millésime qui nous avait causé quelques soucis sur le Clos Sainte-Hune se présente plutôt bien sur cette cuvée. L’expression est prête à boire, pour des goûts plus faciles (plus doux) de jus de coco, d’infusion, de mirabelle, de jus d’orange sanguine. Puissance et longueurs intermédiaires.

15. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1997 : LG16,5/17

Accueil sur de la réduction, qui s’estompera. Sensation de retenue, de nervosité et un petit air de Chablis de Dauvissat qui vous donne rendez-vous dans quelques années. De la force, de la stabilité pour des flaveurs épicées, complétant un panier d’herbes fraîches.

16. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1996 : LG16/20

Nez cireux, évoquant le café, l’acidulé (rhubarbe, citron vert, groseille à maquereau). Arêtes acérées (beaucoup de malique ?) et l’on retrouve cette dynamique particulière du millésime, singulièrement véloce, déjà constatée sur le Clos Sainte-Hune. A juger en et hors contexte …

17. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1995 : LG17/20

Bel ensemble miellé, mûr, un peu évolué, bien en place : lime, raisin de Corinthe, peaux d’agrumes, pointe de champignon, galanga. Il allie maturité et soutien acide décidé, avec plus de chair (de confort) que dans le cas de 1996, beaucoup d’impact. Encore un vin qui ne vieillit pas vite.

18. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1993 : LG15,5/20

De nouveau, une réduction qui partira en aérant le vin dans le verre. On obtient alors des senteurs encore un peu boudeuses, presque chablisiennes, avec beaucoup de citron vert. Le vin semble increvable mais le prix à payer est une rigidité accrue n’offrant qu’un plaisir limité.

19. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1992 : LG16,5/20

Le vin, joliment rancioté, sent la baba au rhum, le raisin de Corinthe, le beurre, la fumée. L’équilibre est au rendez-vous dans une matière savoureuse.

20. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1990 : LG18/20

Large spectre aromatique sur ce nouveau grand millésime : rancio, réglisse, pastille Vichy, agrumes variés, épices, kumquat, citronnelle … En bouche, ce vin très sapide se déroule longuement dans une expression parfumée, vitale. Finale en queue de paon, pour signer un grand vin (avec cette impression qu’il ne manque rien, et qu’il n’y a rien en trop).

21. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1985 : LG15,5/16

Après cette formidable bouteille représentant le millésime 1990 à son meilleur niveau, ce 1985 est un peu en difficulté. Le vin, au développement plus laborieux, semble plutôt évolué, un peu sommaire, retors, manquant de graisse, sur des goûts prononcés peu joviaux d’agrumes et de gingembre confits, de réglisse.

22. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1983 : LG18,5/20

Encore une somptueuse expression, complexifiée par l’âge, exprimant la Chartreuse, la crème catalane, le bellota, les agrumes, la cire … Le couple acidité/chair est magistral. Saveurs parfaitement en place, harmonie d’ensemble, envergure,  liesse … un régal !

Comme dans le cas du 1990, les fondamentaux répondent présent : puissance, complexité, finesse et équilibre caractérisent un grand vin de garde en apogée.

23. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1976 : LG16,5/20

Coincé entre les magnifiques et endurants 1983 et 1971, ce 1976 ne démérite pas mais apparaît un peu plus ingrat, forcément.  Odeurs de lavande, de thym, de cédrat, de mandarine, de résine, de kérosène (dixit Pierre Trimbach). L’acidité prend un peu le dessus dans un substrat austère, pas très sensuel, un peu dépouillé (moins constitué en tout cas). Les goûts de ce vin certes plus tout jeune sont intéressants mais ne vont pas aussi loin.

24. Trimbach Riesling Frédéric Emile 1971 : LG18/20

Fraîcheur et propreté aromatique, maturité, dans un bouquet de Riesling de grande qualité : infusion, rillettes, vieux jambon andalou, écorce d’orange, bonbon des Vosges, curcuma, encaustique …

Un quadragénaire de belle santé, spectaculaire, doté de saveurs encore très fraîches et d’une tenue en bouche irréprochable. On ne devrait plus trop se compliquer la vie avec les subjectivités de l’analyse sensorielle quand on savoure un tel « vieux » vin, abouti en trame et en goût … (enfin, peut-être au moins une quand même, nous le verrons dans la conclusion).

Conclusions :

Après la mémorable verticale du Clos Sainte-Hune effectuée au domaine le 29 mai 2013, cette rencontre fut de nouveau l’occasion d’une série unique, de haut niveau (le conservatoire d’une grande maison ancestrale comme Trimbach permet de pouvoir ainsi remonter loin dans le temps).

Ces beaux vins de gastronomie sont puissants, complexes, fins et frais, de garde. Ils affichent beaucoup de classe et apparaissent marqués par les caractéristiques propres à chaque millésime.

Les vieux millésimes, tels 1983 et 1971 montrent une longévité remarquable. Savoir si les millésimes plus récents seront capables de durer autant reste une question ouverte, de l’avis même du vinificateur.

Comme évoqué sur le millésime 2001, la comparaison qualitative entre le Clos Sainte-Hune et la cuvée Frédéric Emile mérite une certaine prudence … affirmer qu’il y a plus de profondeur de champ dans le clos Sainte-Hune est tentant mais n’est peut-être qu’un effet cognitif. Il faudra revoir cela (ainsi que l’examen plus approfondi des nuances aromatiques et structurelles entre ces 2 célèbres cuvées). En contexte et à l’aveugle lors d’une prochaine rencontre peut-être …