Quelques commentaires de contexte :
Pour une fois, les vins ont été dégustés en vrai aveugle.
La liste et l’origine des vins n’est dévoilée qu’à la fin … à la plus grande surprise des participants.
Nombre de dégustateurs : une quinzaine.
Ordre de dégustation :
1- Anjou : Domaine des Baumard « Clos de la folie » 1997 :
Note : 13 – Prix : 40 F
Robe sombre.
Joli nez sur le fruits confits, le cassis, les épices, et une certaine minéralité. Des notes de poivron, de mine de crayon rappelant l’expression ligérienne du cabernet-franc.
Bouche cependant décevante. Elle est relativement dense mais manque de gras. Poivrée, elle reste malheureusement simple et courte, solaire, marquée par un peu d’alcool et dissociée. Les participants sont partagés entre expression de cabernet-franc et de grenache (trame fluide).
2- Chinon : Domaine Lorieux « Cuvée Théléme » 1997 :
Note : 12 – Prix : 80 F
Robe intense.
Nez grillé et épicé, présentant des notes de fruits confits. Une touche animale (due à la réduction ?).
Bouche offrant une bonne acidité, moyennement longue. Sa raideur la rend peu agréable. La concentration et les arômes rappellent le tannat. Mais ce pari semble démenti par la structure acide du vin.
3- Chinon : Domaine Bernard Baudry « Cuvée La Croix Boissée » 1997 :
Note : 14 – Prix : 75 F
Nez de chêne américain (vanille, épices, bourbon). Ces notes boisées sont complétées par des notes animales, de cacao, de fruits (cerise, framboise) et des notes assez marquées de camphre et d’eucalyptus.
Bouche concentrée, présentant une bonne trame acide, mais un peu marquée par l’alcool. Issu d’un élevage vraisemblablement ambitieux, mais pas totalement convaincant dans son état actuel, ce vin a évoqué pour certains dégustateurs un cabernet-sauvignon américain ou encore un tempranillo issu de la Ribera del Duero (notes de cerise gourmande).
4- Chinon : Domaine Alliet 1997 :
Note : 14 vers 14.5 – Prix : 70 F
Ici encore, robe intense.
Nez relativement fermé, livrant peu. Des notes boisées, fruités et épicées.
Bouche acide et quelque peu agressive, un rien asséchante. Des notes pimentées qui peuvent rappeler des rioja élevés à l’ancienne.
5- Chinon : Domaine Alliet « Vieilles Vignes » 1998 :
Note : 14 vers 14.5 – Prix : 90 F
Robe concentrée montrant de curieux signes d’évolution (lorsque l’on découvre le millésime).
Nez floral, fruité et balsamique (notes résinées), marqué par l’alcool. Des notes de cacao, de fruits secs (pruneau). On peut songer au rhône méridional (gigondas).
Bouche confirmant cette présence alcoolique. Elle se révèle peu convaincante : acidité prononcée, quelques notes végétales. Elle manque singulièrement de longueur.
6- Chinon : Domaine Alliet « Coteaux de Noiré » 1998 :
Note : 15 – Prix : 105 F
Robe jeune, violacée, intense.
Nez intense, crémeux, qui rappelle les vins du Languedoc dans le millésime 1998. Des notes boisées, épicées (girofle), de cacao, de jus d’orange.
Bouche offrant une bonne acidité, et ces notes de jus d’orange liées à l’élevage en bois. La bouche, par son expressions aromatique et son acidité, fait penser au Rhône en millésime 96.
7- Chinon : Domaine Alliet « Coteaux de Noiré » 1997 :
Note : 15 – Prix : 103 F
Nez animal (viandé, lard, cuir). On décèle également des notes d’orange et d’épices (girofle).
Bouche légèrement chaude (alcool), marquée par le poivre. Le grain et une certaine raideur évoquent un cabernet-sauvignon.
8- Saumur-Champigny : Domaine Legrand « Cuvée Les Rogelins » 1997 :
Note: 16 vers 16,5 – Prix : 80 F
Nez intense sur le fruit (cassis), les épices. Des notes empyreumatiques (cacao, café).
La bouche est ample, volumineuse, un rien raide. Elle dénote un élevage ambitieux mais aussi une extraction poussée. Des notes de fruits frais et d’épices pour un vin à attendre quelques années. Plusieurs dégustateurs songent au tannat.
9- Saumur-Champigny : Domaine des Roches Neuves « Cuvée Marginale » 1997 :
Note : 14 – Prix : 100 F
Nez intense, grillé, floral avec un soupçon d’évolution.
Ce soir là, ce vin précédemment goûté aux antipodes (on en donne le compte-rendu du moment ci-dessous), nous semble raide, marqué par l’acidité et une légère amertume en finale. A la manière d’une cuvée « Maghani » de chez Canet-Valette à St-Chinian ou d’une cuvée « gloire de mon père » du clos Bagatelle dans la même appellation, ce vin affiche un caractère extrémiste.
10- Saumur-Champigny : Château de Villeneuve « Le Grand Clos » 1996 :
Note : 15,5 vers 16 – Prix : 100 F
Nez intense de cassis (fruit, bourgeon), joliment grillé et frais. Des notes de sous-bois et iodées.
En l’état, ce vin paraît peu cohérent, peu gourmand, avec des notes d’alcool et d’acide dissociées. Il finit de plus de manière abrupte. Ses notes iodées évoquent le mourvèdre à Bandol.
11- Saumur-Champigny : Château de Villeneuve « Vieilles Vignes » 1996 :
Note : 14 vers 13,5 – Prix : 70 F
Nez légèrement évolué, avec des notes de cèdre, de tabac. Ces notes et sa minéralité orientent nettement vers le médoc.
Bouche équilibrée et de bonne longueur, pour un vin moderne et ambitieux, qui s’avère un des meilleurs de la soirée. Mais est-il encore représentatif de son appellation (voir conclusion) ?
12- Saumur-Champigny : Domaine du Clos Rougeard « Les Poyeux » 1996 :
Note : 13,5 vers 14 – Prix : 150 F
Nez frais, offrant des notes d’épices, de camphre, de fruits confiturés et végétales.
Bouche marquée par les fruits à l’eau de vie. Elle est fumée, avec une bonne acidité et un bon niveau d’alcool. Toutefois, il semble qu’elle manque de concentration et commence à se dessécher. C’est certainement le vin pour lequel l’expression ligérienne est la plus nette.
13- Saumur-Champigny : Domaine du Clos Rougeard « Le Bourg »1996 :
Note : 15,5 vers 16 – Prix : 250 F
Nez marqué par la cerise, mais manquant un peu de netteté.
Pour certains dégustateurs, la bouche semble manquer également de netteté. Elle est marquée par l’acidité, manque de gourmandise et est moyennement longue. Pour d’autres, et en fonction d’une dégustation faite quelques heures auparavant, le vin est riche et prometteur. Sur ce vin polémique, les dégustateurs envisagent la bourgogne ou la Toscane (sangiovese).
14- Chinon : Domaine Charles Joguet « Les Varennes du Grand Clos » – Franc de Pied 1990 :
Note : 15,5 vers 16- Prix :140 F
Robe moyennement intense.
Joli nez de griotte, de fruits confits. L’évolution est déjà manifeste.
Bouche gourmande, en apogée, exprimant des notes de fumée, de tabac. Le consensus se fait sur la Bourgogne. Un dégustateur pointe un relatif manque de fraîcheur.
15- Chinon : Domaine Charles Joguet « Clos de la Dioterie » 1990 :
Note : 16,5 – Prix : 180 F
Nez évolué, qui a le mérite d’avoir conservé de la fraîcheur. De jolies notes de fruits épicés, rappelant ici aussi fortement la Bourgogne. Ce pronostic sera déjoué une seconde fois !
Plus complète que la précédente, la bouche livre de belles notes racées (tabac notamment). Ce vin agréable, à boire dans cette plénitude, confirme la qualité du millésime 90 pour cette maison.
Autres vins dégustés (à l’aveugle) :
16- Gaillac doux – Domaine de Bouscaillous – fût 97 :
Note : 12,5 – Prix : 40F
Robe peu intense.
Nez sur le miel, le fruit blet, la pomme cuite. Des notes végétales complémentaires font (à juste titre) penser à l’appellation Gaillac.
En bouche, ce vin simple, peu sucré, se révèle un peu mou. On pourrait dire qu’il est représentatif de son appellation (même si Gaillac produit de plus en plus des monstres sucrés).
17- Madeira Crown – Barbeito medium rich – nm :
Note : 12,5 – Prix : 120F
Elaboré à base de tinta negra mole, ce vin offre sans grande surprise des notes de café, de caramel, de noix, de raisins secs.
Malheureusement, la bouche, acide et dissociée, marquée par le citron vert, présente peu d’intérêt. une déception pour une (apparemment) petite cuvée d’un très bon producteur de l’ile volcanique. Ses notes de vin muté et son acidité prononcée orientent assez naturellement vers cette appellation.
Conclusion :
Une dégustation surprise, ne présentant finalement que des cabernet-franc de Loire, alors que les avis des dégustateurs ont présenté une grande hétérogénéité : à peu près toutes les régions du monde ont été citées, et le cabernet-franc rarement identifié.
Reste une dégustation de relativement bon niveau (mais il est à noter que les vins d’Alliet ne nous ont pas convaincus ce soir), mettant en œuvre des expressions très variées. Au delà de la réelle difficulté d’identification lors de la dégustation à l’aveugle (on connaît l’irréductibilité des effets de contexte), on est surpris par la diversité des expressions aromatiques et structurelles.
D’aucuns trouveront une réelle richesse dans cette variété d’expressions. D’autres penseront à une relative perte d’identité des vins ligériens. Il restera un petit nombre de sceptiques pour mettre en cause la performance des 10 dégustateurs entraînés présents ce soir là … Nous leur recommandons vivement le même exercice.