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Repas chez Marc Veyrat avec des champagnes de la maison Krug

Repas chez Marc Veyrat avec des champagnes de la maison Krug

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Le 14/10/06

Il est à la fois difficile et palpitant de tenter de décrire un tel parcours stratosphérique, tant les vins et les plats sont remarquables (ainsi que les accords). Pour de tels champagnes de gastronomie, complexes, puissants et fins, toujours signés Krug mais différents en fonction de leur origine et de leur millésime, les expressions sont comme attendu immenses, disertes et brillantes, forcément difficiles à circonscrire car changeantes, gigognes (par les effets conjugués de l’aération, de la température, des accords avec les plats, de l’interprétation sensible de chaque commensal). Cela ne peut d’ailleurs que les rendre plus attirantes.

Nonobstant, j’en dresse ici un tableau partiel pour mémoire (éloge de la lenteur) …

Les notes sur 20 ne sont pas homologuées par le Bureau International des Poids et Mesures (elle ne sont données qu’à titre indicatif, comme les descriptions des vins, au demeurant, puisque aussi bien le même voyage répété le lendemain donnerait lieu à un récit aussi enthousiaste mais forcément différent).

Le (fantastique) menu :

  • Petits légumes, carpaccio de bœuf, hamburger de maïs au foie gras, soda vera

  • Yaourt de foie gras, escalope de foie, mikado de myrrhe odorante

  • L’œuf au plat virtuel, cumin des bois d’ici, lait de coco

  • Flûte inversée, pois cassés tièdes, mélisse, citronnelle, humus

  • Ravioli velouté, carottes, céleri, truffe noire

  • Oeufs de caille au caramel clair, polypode, cornet d’oxalis

  • Ostie virtuelle du XXIe siècle, bouillon de poule, sorbet safrané

  • Omble chevalier des lacs Alpins, filandre de citronnelle, épicéa

  • Crème brûlée à la reine des prés, confiture d’écrevisses

  • Darne de homard breton, vin jaune, bonbon d’herbe de maggy (acha)

  • Purée de rattes à la truffe noire, pastille de cacao

  • Ris de veau poêlé, beignet de pommes génépi

  • L’ercheu des fromages de nos talentueux paysans

  • L’avalanche de délicatesse de ma fille Carine :

  • Cornet au pamplemousse, soufflé renversé aux agrumes, roulé au citron

  • Crèmes parfumées

Les vins :

1. Champagne Krug 1988 (magnum) : 19/20+

Le vin, sans surprise encore sur la réserve, dégage des senteurs fines et distinguées,: fruits blancs, fleurs, café, noisette, citron lumineux, orange, beurre. Matière tramée, autoritairement ciselée, normalement très jeune (le millésime et le type de contenant), possédant une ardeur tellement prometteuse. De magnifiques amers accompagnent une très longue finale. Race fruitée, végétale et minérale (comme pour un grand vin de la Côte de Beaune), pureté ; un vin forcément compact, réticent, à attendre mais qui amène déjà un grand plaisir de dégustation.

2. Champagne Krug Grande Cuvée (magnum) : 18,5/20

Robe paraissant plus pâle. Senteurs idéales, complètes : minéral, épices, pain grillé. Bouche épanouie, très nette, très longue, possédant une trame acide infaillible dans un profil tout en douceur harmonieuse. Je note que la force initiale du vin est amadouée par le plat, qui trouve grâce à ce compagnon sa vitesse de croisière.

3. Champagne Krug Collection 1981 (magnum) : 20/20

Robe aux tonalités dorées accentuées. Premier contact pour moi avec un « Collection » de Krug. Je ne suis pas déçu. La carte de saveurs d’une complexité et d’une finesse inouïes annonce en effet la couleur : champignons, truffe (blanche et noire, selon), fruits jaunes très mûrs, miel puissant (châtaignier), café, agrumes (orange, cédrat confit), épices, réglisse, inflexions balsamiques (thym, chartreuse de Tarragone) … On la dira plutôt noblement évoluée que légèrement oxydative (j’en reparlerai sur le 1964). Alors elle se transforme, s’adapte aux mets, se renouvelle dans un tourbillon olfactif envoûtant, imprégnant. On trouve dans cette inventaire changeant des assonances réjouissantes diverses avec les plats (le thym – plus généralement les herbes de montagne – de la farce accompagnant la carotte, la truffe de Seyssel savoureusement croquante, la réglisse sous différentes formes). Le vin, d’une finesse ultime, est prêt à boire mais il vieillira encore très bien.

Note : on reviendra sur la Grande Cuvée pour tenter un accord certainement plus adroit sur la gelée de pomme verte.

4. Champagne Krug Clos du Mesnil 1988 (magnum) : 18,5/20

Expression plus incisive, butyrique, « blanche » (la sonate « blanc de blancs » du Clos vs la symphonie des assemblages, mais une sonate d’une grande complexité) : citron, pomme verte, jaune d’œuf, vanille, miel, froment, épices (genièvre : on verra ce bel écho avec la préparation de l’omble chevalier) et même une touche de safran. Le vin semble moins en place, plus tumultueux (du moins initialement car l’aération le clarifiera nettement). Il se déroule puissamment et se marie excellemment avec le poisson dans une harmonie de saveurs citronnées qui paraît finalement si évidente (avec, comme c’est le cas pour d’autres plats, une maîtrise de l’acidité époustouflante) !

5. Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 (bouteille) : ED

Nez très mûr, pas trop net. Des notes sensibles de liège corrompent son expression, le vin paraissant plus vieux que son âge. Cette disgracieuseté perdure malheureusement, gâchant des flaveurs sous-jacentes hésitantes de noix, d’orange, de réglisse.

6. Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 (bouteille) : 18,5/20

La prestation est heureusement cette fois-ci remarquable. Arômes très bien définis de pomme cuite, de miel de châtaignier, d’ananas rôti, d’épices, de noix (avec un côté spiritueux). Le toucher est remarquable de délicatesse, l’expression dans un registre plus capiteux (mais restant convenablement tranchante pour ce clos). Des notes d’amande (et une belle amertume associée) viennent astucieusement se conjuguer avec celles du plat (Jean-Philippe ayant pris le soin de humer le vin par avance). Un vin plein dans un état de noble apesanteur.

7. Champagne Krug Collection 1964 (magnum) : 20/20

Il fallait bien pouvoir aller au-delà de l’extraordinaire Collection 1981. C’est chose faite avec ce Collection 1964, aussi parfait, aux fragrances vraiment enchanteresses, délivrant un fumet d’une distinction rare : fleurs, pomme verte, tarte tatin, coing, pêche jaune, pêche de vigne, curry, fenugrec, tabac blond, miel, croûte de fromage, thym. Les contours sont impeccables, la cohérence diabolique (l’opulence est parfaitement maîtrisée), le caractère assez inimitable (je signe encore une fois ici pour de discrètes tonalités noblement oxydatives, entièrement au service du caractère du vin, et que personnellement j’adore). L’expression est totalement fondue, vibrante (tension minérale et acide), très savoureuse, avec cette présence évanescente de toute beauté qui signe les plus grands vins (comme pour ceux de la DRC, en particulier, l’oxymore s’impose, avec ici en plus l’effet du temps sur l’intensité de l’effervescence). Ce vin patiné, comme en lévitation, se prolonge interminablement sur une amertume proprement géniale, rehaussée de goûts subtils de réglisse et d’inflexions anisées. Si l’accord est magique sur le plat associant truffe de Seyssel, ratte et cacao, il ne fonctionne curieusement pas sur le ris (pas plus sur les fromages). Ayant constaté la multiplicité des résonances gustatives possibles entre les vins et les plats depuis le début du repas (le vin évoluant pour s’adapter au plat comme par mimétisme, on l’a vu notamment avec le Collection 1981), faut-il y voir ici :

  • une défaillance (pardonnable) du vin en terme de malléabilité organoleptique (de plasticité gustative) ?

  • une coquetterie du plat pourtant classique (ris de veau piqué de truffe), refusant de s’apparier ?

Voilà un sujet d’investigation complexe à explorer.

8. Sauternes – Château d’Yquem 1989 (demi-bouteille) : 18/20

Un Yquem égal à lui-même, très élégant, qui commence à dévoiler des goûts d’agrumes, d’abricot sec, de praliné. Evocation de cointreau, de gentiane aussi. La bouche délivre un message serein, sans aucune lourdeur inutile, doté d’amers sublimes. Comme dans le cas de Krug 1988, nous avons ici un nectar souverain qui nous régale mais qui est bien trop jeune.

(Tentative de) conclusion rapide :

  • Le repas est exceptionnel, reflet d’une maestria rare ; les vins également (mais les Collection sont hors norme, célestes) ; les flacons, pesants, dodus mais fins, sont incroyablement beaux.

  • Le parcours global est assez inégalable tellement la qualité proposée est de haut niveau (d’autres voyages seront nécessaires, il faudra revenir).

  • On ne ressent aucune lassitude sur un tel itinéraire gastronomique (mais on aurait pu imaginer un grand cru de Vosne de derrière les fagots sur le ris de veau).

  • Tous ces vins de grande garde possèdent une forme d’évidence de style, des complexions pour autant variées, incroyablement raffinées et sapides.

Quelques compléments :

–> Jean-Philippe Durand 2 :

Que nul ne voit ici une dérive people ! Marc Veyrat est un ami proche et il me permet ainsi d’organiser chez lui quelques repas qui sortent de l’ordinaire. C’est toujours un bonheur de nous retrouver entre amis pour partager notre passion et entretenir cette complicité née un repas après l’autre. Je n’ai jamais caché le profond attachement que j’avais pour Marc, sa cuisine, son univers ; il est un cuisinier artiste unique et le repas de ce samedi en fut une nouvelle démonstration émouvante. La cuisine de Marc Veyrat est présentée par une équipe hors du commun, orchestrée par mon ami Hervé Audibert, le directeur de salle, dont l’attention de chaque instant n’a d’égal que son immense gentillesse. Après le thème des cinq grands vins blancs de Curnonsky, j’avais souhaité parcourir à nouveau le monde fabuleux des champagnes Krug. Rémi et Olivier Krug, connaissant la sincérité de ma passion, nous ont donné accès à des flacons inouïs, inoubliables, bouleversants. Qu’ils soient tous ici vivement et chaleureusement remerciés.

Du menu en 14 services, je citerai :

En accord avec un Collection 1981 :

Ravioli velouté, carottes, céleri, truffe noire

puis

Oeuf de caille au caramel clair, polypode, cornet d’oxalis

Des lamelles de carottes cuites à la perfection sont l’enveloppe du ravioli ; la « farce » est une crème d’herbes des montagnes ; même principe avec le céleri et son coeur à la truffe noire de Seyssel. Le Collection 81 va s’accorder avec brio autant avec la sucrosité de la carotte que les notes herbacées de la crème, autant avec la fraîcheur du céleri que les arômes de truffe.

L’oeuf de caille est un plat grandiose. Le polypode (sorte de fougère) a une racine au parfum de réglisse. Le coeur de l’oeuf est piqué avec un coulis de polypode. A sa surface, on verse un jus d’oxalis qui est de l’oseille sauvage. On mange l’oeuf en une bouchée et le coulant du jaune emportent les arômes de réglisse au milieu de l’acidité et la fraîcheur de l’oxalis qui assurent la finale.

En accord avec le Clos du Mesnil 1988 (Magnum N°93 sur 323 !) :

Ostie virtuelle du XXIe siècle, bouillon de poule, sorbet safrané

puis

Omble chevalier des lacs Alpins, filandre de citronnelle, épicéa

Un premier plat rustique mais toute en délicatesse sera une assise magnifique au champagne. Vient ensuite le seigneur de la profondeur des lacs à la chair fondante et goûteuse. Marc est venu nous expliquer la technique complexe de sa cuisson dans l’écorce de sapin qui permet ce résultat unique. L’accord sur la texture avec le vin est magnifique, l’accord aromatique autour des notes citronnées aussi.

Le Collection 73 initialement prévu étant malheureusement bouchonné, il est remplacé par un Clos du Mesnil 1982. Samuel, le sommelier, étant malheureusement absent, son adjoint Jérôme s’interrogeait sur l’accord possible. Nous le goûtons ensemble avant le repas ; il est très difficile de bien goûter un Krug à l’ouverture immédiate mais une note évidente s’impose à mon nez : l’amande. Comme à mon habitude, je me fais confiance ! Hervé m’avait parlé la veille au soir d’un nouveau plat, avec une crème à la reine des prés. Ma mémoire gustative a fait de suite l’association et en goûtant ce champagne, je demande qu’on modifie la fin du menu. Quelques heures plus tard, je vérifie la pertinence de mon intuition. La crème brûlée à la reine des prés, confiture d’écrevisses n’est pas un plat évident (exactement du registre des créations culinaires qui nous incitent parfois à quitter la dichotomie du mauvais ou du bon) mais qui me paraît typique de l’expression artistique du moment. La reine des prés offre des saveurs de noyau, d’amande amère et la crème a donc des arômes très marqués qui peuvent surprendre. Mais les écrevisses, à la fois fermes et fondantes, apportent leur tranquillité gourmande. L’accord avec le champagne est magnifique, ce dernier donnant un élan aérien à l’ensemble.

Le Collection 1964 est mon plus grand champagne jamais dégusté. L’accord avec le ris de veau poêlé, beignet de pommes ne sera pas immense car le champagne est très au-dessus. Juste avant ce plat, nous avait été servie une petite purée de rattes à la truffe noire, pastille de cacao ; sur cette mousseline, le champagne avait trouvé plus de complicités. Le nez est comme un parfum envoûtant, un bouquet d’herbes sauvages (herbe à curry en particulier) et de fleurs jaunes, aux mille senteurs, délicates et fines ; on parle souvent de complexité et c’est avec ce vin que j’ai pleinement expérimenté, comme jamais, ce terme : je sentais mille notes différentes, totalement individualisables et pour autant totalement associées les unes aux autres pour former cette fragrance. La bouche est élégante, pleine, sans aucune mollesse, tout en équilibre et finesse, sans la moindre pointe d’oxydation ; la finale s’impose aérienne et brillante.

Après Krug, le seul vin possible était château d’Yquem, millésime 1989, généreuse surprise de François, délicate attention pour l’anniversaire d’une des convives. Sur l’assiette agrume (cornet au pamplemousse, soufflé renversé aux agrumes, roulé au citron), le vin s’exprime totalement magique sur ces notes de zestes. La bouche est somptueuse, d’une puissance maîtrisée, comme un nectar.

–> François Audouze :

J’ai rédigé mon propre compte-rendu.

Il est évident qu’il est impossible de rendre compte d’un repas de cette invraisemblable perfection sans citer qui l’a fait et où. L’emploi des « xxx » que j’ai utilisés depuis peu est impossible, au risque, comme le dit Jean-Philippe, de devoir affronter les critiques lorsqu’on parle d’une table renommée.

Par ailleurs, n’ayant pas pris de notes pour un repas qui a duré six heures, avec des champagnes confrontés à au moins deux plats très différents, cela rend difficile la restitution des saveurs des vins éblouissants que nous avons bus.

Nous avons eu la chance de rencontrer LaurentG qui s’est joint au groupe. Je l’ai trouvé avide de connaître, heureux de savourer et comprendre ces vins et ces saveurs, plein de bonne humeur. Je suis heureux de l’avoir rencontré.

Mon compte-rendu ne donnera pas des définitions précises, ce n’est pas dans la ligne de LPV. Mais il restitue l’atmosphère de ce que j’ai ressenti lors d’un repas unique.

Le but de notre voyage commencé il y a deux jours, c’est le déjeuner chez Marc Veyrat à Veyrier du Lac. Notre groupe de douze ne comporte que des aficionados. Embrassades, joie de se revoir. L’absence de Samuel, le sommelier guide de nos précédentes aventures est mal vécue, mais Jérôme va s’acquitter de sa tâche fort élégamment. J’apprends que le Krug 1973 est bouchonné. Le remplacement par un beau champagne sera fait.
Nous nous installons sous la haute bienveillance d’Hervé, l’homme qui est l’âme du lieu à côté du maître. Marc Veyrat vient nous saluer. On sent la souffrance, sous un masque de bonne humeur, d’un homme handicapé par son vilain accident de ski. La table se constitue d’abord en terrasse, par une journée ensoleillée qui donne au lac, aux herbiers, à la belle montagne une vraie joie de vivre. L’entrée sur une palette de peintre donne des saveurs charmantes, dont ce carpaccio étonnant et se ponctue – après le Krug – sur le soda Veyrat, classique boisson d’introduction à de féériques agapes. Le champagne Krug 1988 en magnum me parait trop jeune, trop vert, trop coincé. J’entends autour de moi des louanges qui me paraissent excessives. Peu importe. A table, c’est sur un yaourt de foie gras, escalope de foie, mikado de myrrhe odorante que l’on commence à aborder le champagne. Il reste pour moi toujours coincé et la preuve de ce que j’avance sera donnée une heure plus tard. Libéré, aéré, ce champagne dira tout ce qu’il a en lui. Il lui fallait prendre de l’air pour réciter son texte. L’œuf au plat virtuel, cumin des bois d’ici, lait de coco est un plat nouveau, dont nous explorons une version inédite. Le plat n’a pas l’assise des recettes mille fois interprétées. Je suis sous le charme, car cette créativité spontanée, qui se cherche et essaie ses dosages, c’est comme une épreuve d’artiste, parfois plus émouvante qu’un tableau définitif. Je suis très sensible à sa recherche.

L’habitude aidant, on comprend de mieux en mieux l’art de Marc Veyrat. Comme tout grand créateur, il est unique. Je vois en lui du Léonard de Vinci, tant certaines voies explorées sont en avance sur son temps. Bien sûr, comme pour un grand vin, chacun y voit ce que sa culture et son histoire lui permettent de déchiffrer. Jean Philippe, l’ami qui nous cornaque, y voit certainement beaucoup plus de choses que moi. Mais je me sens assez proche de ce que chaque plat évoque. Il y a les rêves de l’enfant, le respect de la terre et des herbes que l’on a cueillies quand le père apprenait les saveurs que la terre nous donne. Il y a du rebelle dans certaines sauces, avec des cris lancés dans l’espace qui attendent un écho, retour de compréhension. Il y a la souffrance du moment. Mais il y a aussi le profond respect des produits comme le montrera tout à l’heure l’exécution magistrale de l’omble chevalier. Alors, en mangeant, on a Marc Veyrat sur un divan, exposant sa volonté de faire comprendre tout ce qu’il ressent, qui transcende largement le cercle parfois brisé de l’assiette posée devant chaque convive. Et l’on comprend mieux que sur les dix dîners organisés par Jean-Philippe en cet univers, il y en a eu trois avec le champagne Krug. Car quel autre vin aurait la faculté de s’adapter aussi complètement à ce monde créatif infini ? Je n’en vois pas. Chacun des Krug a servi la cuisine, a su montrer sa personnalité, a su rebondir sur un goût sur une invite lancée à nos papilles.
Le Krug grande cuvée en magnum apporte une démonstration supplémentaire, si elle était nécessaire, de la timidité du 1988. Car on a ici la vraie définition du Krug. Relativement récent, ce champagne gagnerait des galons avec des années de plus. Mais il est là, serein, joyeux, prêt à combattre avec beaucoup de saveurs aventureuses comme celles de ce merveilleux univers culinaire. La flûte inversée, pois cassés tièdes, mélisse, citronnelle, humus, c’est tout l’univers d’enfance du savoyard. Le ravioli velouté, carottes, céleri, concombre, gelée de pommes, c’est toute sa dextérité créatrice.

Le Krug Collection 1981 en magnum est éblouissant de rondeur, d’accomplissement, et dépasse de très loin tout ce qu’on pourrait imaginer de cette année. Mais on est avec Krug ! Dans un repas comme celui-ci la description pure du champagne est impossible. C’est la souplesse d’échine qu’il faut signaler, car le champagne a fait bonne figure pendant toutes les combinaisons qu’il a suscitées. Et ça ne manquait pas : œufs de caille au caramel clair, polypode, cornet d’oxalis. Puis hostie virtuelle du 21ème siècle, jus de cannette, sorbet safrané. Ce qui est éblouissant, c’est qu’une branche de pin a été fortement imprégnée de la fumée d’un feu de cheminée. Et l’on remue le jus avec cette branche, qui donne un parfum inoubliable au plat.

Le Krug Clos du Mesnil en magnum 1988 est évidemment une première, car le Clos du Mesnil est déjà rare. Mais en magnum, il l’est infiniment plus. Ce champagne est l’enfant chéri de la victoire, le vin béni des dieux. L’omble chevalier des lacs alpins, filandre de citronnelle, épicéa est un grand classique de Marc Veyrat, avec une cuisson immortelle. Avec ce Clos du Mesnil, ce ne sont que des saveurs d’une pureté cristalline qui s’offrent à nos papilles. Une darne de homard breton, vin jaune, bonbon d’herbe de maggy (acha) est une forme aboutie du goût du homard.

Le Krug Clos du Mesnil 1982 est magistral. Avec la crème brûlée à la reine des prés et la confiture d’écrevisses nous comprenons deux choses : que Krug s’adapte à toutes ces difficultés gustatives et que nous n’avons aucune lassitude. Un champagne de ce niveau, sur une cuisine de ce niveau, c’est un plaisir rare. Le ris de veau poêlé, beignet de pommes génépi, démontre si c’était nécessaire, que Marc Veyrat est aussi à l’aise sur une cuisine plus classique où la chair principale est mise en valeur dans son orthodoxie.

Le Krug collection 1964 en magnum nous fait entrer dans un univers d’exception. Ce champagne dépasse tous les autres. Je suis évidemment plus sensible que d’autres à l’apport de l’âge au goût de ce champagne. Mais il n’est nul besoin d’entasser les expériences pour saisir la perfection de ce champagne sensuel, accompli, totalement arrondi, expressif, vivant. L’ercheu des fromages de nos talentueux paysans (ce n’est pas moi qui parle) rencontrait nos appétits encore présents. « L’avalanche de délicatesse de ma fille Carine » rencontra une demi-bouteille de château d’Yquem 1989 que j’avais apportée pour l’anniversaire d’une des convives. Cet Yquem est d’une perfection exemplaire, d’une profondeur inégalable qui surclasse nettement le 1976 de la veille.

Un reste de faim fut comblé le soir par un spaghetti virtuel plaisant, par un pigeon traité de façon classique avec talent et par

un « macaron raté » dont j’adore le clin d’œil.

Quand on est plongé comme ici dans l’univers créatif d’un homme de ce talent, on est embarqué dans une aventure où tous les goûts se justifient. On découvre, on retrouve, on comprend. Parfois c’est un peu plus dur, tant le chef a une imagination qui nous dépasse. C’est magique. On est comme Alice au-delà du miroir. Et l’on est heureux. Le champagne Krug, dans des expressions très différentes, a montré son adaptabilité et sa classe. Nous sommes prêts à remettre le couvert.