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Domaine de la Coulée de Serrant à Savennières

Cette dégustation unique de 21 millésimes (2003-1983) de la Coulée de serrant, petite appellation de Savennières, illustre le travail réalisé par Nicolas Joly, un spécialiste de la biodynamie. Le compte rendu sur le lien suivant:

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Les 21 ans de LA COULEE DE SERRANT : 2003-1983 !

Vendredi 10 juin 2005

Dégustation préparée par Didier Sanchez et commentée par Pierre Citerne.

  • Quelques commentaires de contexte :

  • Les vins ne sont pas dégustés à l’aveugle.

  • Une occasion unique de déguster 21 millésimes de cet étalon des vins secs de la Loire.

  • Les ¾ des vins proviennent directement du domaine.

  • Les millésimes postérieurs à 1988 ont été carafés la veille.

  • A noter que tous les millésimes entre 1988 et 1983 se sont mieux dégustés après carafage de 3 heures.

  • Nombre de dégustateurs : Seize.

  • DS : Didier Sanchez – PC : Pierre Citerne – MS : Miguel Sennoun.

  • Ordre de dégustation :

1. La Coulée de Serrant 2003 :

DS14,5 – PC14/14,5 – MS13,5. Note moyenne du groupe : 14 – Prix : 42 €

  • Teinte dorée moyennement soutenue, robe grasse.

  • Nez d’emblée marqué par l’alcool ─ relent d’éther, notes de marc ─ le fruit (la prune jaune) est pur mais inhibé.

  • Beaucoup de chaleur en bouche, de gras aussi. Un peu de CO2 apporte un soupçon de fraîcheur. On sent qu’il y a de la densité, de la minéralité, de la longueur dans ce vin dont l’expression semble anesthésiée par la nature solaire du millésime.

2. La Coulée de Serrant 2002 :

DS16,5 – PC16,5 – MS16/16,5. Note moyenne du groupe : 16,5 – Prix : 42 €

  • Robe grasse, couleur soutenue, reflets vieil or latents.

  • De la fraîcheur au nez, de la profondeur, du fruit (encore sur la prune : mirabelle, reine-claude…), du miel, et des notes végétales ou plutôt « vertes » qui nous accompagnerons tout au long de la dégustation (tilleul, verveine, gentiane…).

  • La matière est élancée, dense, élégante, cohérente, longue ; bien campée sur cet équilibre (acidité + amertume), austère mais noble, qui sera lui aussi un caractère récurrent dans la série.

3. La Coulée de Serrant 2001 :

DS14,5 – PC14 – MS14. Note moyenne du groupe : 14 – Prix : 42 €

  • Robe franchement vieil or, évoluée.

  • Nez expressif, ouvert, présentant des caractères de surmaturité et d’évolution : beurre, épices, cire, prune à l’alcool…

  • On sent moins d’élan en bouche que dans le 2002 ; l’alcool est perceptible. La saveur complexe, distinguée, ne parvient pas à masquer l’impression d’une matière étriquée.

4. La Coulée de Serrant 2000 :

DS17 – PC16,5 – MS16. Note moyenne du groupe : 16,5 – Prix : 42 €

  • Robe dorée, profonds reflets verts.

  • Nez puissant, volontaire, nettement défini ; de la poire, du miel, du minéral, du végétal (verveine, menthe…)

  • Matière dense, grasse. Profil aiguisé (la droiture, la tension, la minéralité) mais capiteux. Très belle conjugaison de l’amertume et de l’acidité qui prolonge la finale. Personnalité très affirmée

5. La Coulée de Serrant 1999 :

DS17,5/18 – PC18 – MS18. Note moyenne du groupe : 17,5/18 – Prix : 42 €

  • Magnifique robe profonde, brillante, concentré d’or et de vert ─ dans un autre contexte on pourrait se croire devant un verre de Suze…

  • Nez puissant, pénétrant, très marqué par les notes « vertes » : verveine, gentiane (suggestion de la robe ?). Fruit extrêmement frais et intense.

  • Matière en parfaite cohérence avec la perception olfactive. Haute expression d’intensité, de minéralité et surtout de fraîcheur ─ l’acidité superbement fine, salivante, aérienne, confère une allonge et une vitalité immenses au vin. Une très grande réussite.

6. La Coulée de Serrant 1998 :

DS12 – PC12 – MS12,5. Note moyenne du groupe : 12,5 – Prix : 42 €

  • Robe paille, nettement plus fluide que les précédentes.

  • Nez ingrat et manquant de netteté : coquille d’huître, fougère, notes moisies, iodés. Vraiment peu engageant.

  • Mince, dur, efflanquée, il possède un peu de longueur, une certaine tenue, mais pas de charme. Petit vin.

7. La Coulée de Serrant 1997 :

DS16 – PC16 – MS16. Note moyenne du groupe : 16 – Prix : 42 €

  • Robe colorée, mate, grasse, reflets vieil or.

  • Nez abondant, ouvert, légèrement oxydatif : pineau (marc et fruit), pruneau, cire… Une belle minéralité schisteuse (comment la décrire : poivrée, camphrée, ferrugineuse ?) relève l’ensemble.

  • Le vin tapisse la bouche ; ample, gras, chaleureux, il semble posséder davantage de sucre résiduel que les autres millésimes (sucrosité réelle ou suggérée par le glycérol et l’alcool ?). La finale, longue, vive, minérale, reprend les choses en main. Ce millésime opulent, particulier, se déguste mieux ce soir qu’en d’autres occasions, où nous l’avions trouvé un peu mou et franchement oxydé.

8. La Coulée de Serrant 1996 :

DS17,5/18 – PC17+ – MS17. Note moyenne du groupe : 17,5 – Prix : 42 €

  • Robe dense mais plus claire que celle du 1997, or vert, beaux reflets argentés.

  • Nez fermé, assez réduit, profondément minéral, avec des notes salées et iodées de varech, une pointe alliacée d’évolution. Le fruit se cache.

  • Matière très dense, tranchante, d’une sublime profondeur minérale. L’acidité aiguisée domine les autres constituants, pourtant remarquables (l’extrait, la rondeur du fruit, la générosité alcoolique). Merveilleux il y a quelques années, ce vin s’est refermé ; long et intransigeant, il conserve un très grand potentiel.

9. La Coulée de Serrant 1995 :

DS16,5 – PC16,5/17 – MS17. Note moyenne du groupe : 16,5 – Prix : 42 €

  • Robe vieil or, intense, qui semble assez évoluée.

  • Nez « liquoreux », complexe, proche de celui du 1997 avec davantage de fraîcheur et de distinction aromatique : prune, notes vertes (angélique ?), cire, épices (curry).

  • Bouche ample, corsée mais fine, ouverte, persuasive, savoureuse ; très jolie finale fraîche et minérale. Plus d’amabilité que le 1996, moins de profondeur et de tranchant.

10. La Coulée de Serrant 1994 :

DS16/16,5 – PC16/16,5 – MS16,5. Note moyenne du groupe : 16/16,5 – Prix : 42 €

  • Or intense, reflets verts.

  • Premier nez plus évolué, alliacé ; puis belles senteurs florales, fraîches, avenantes, nuancées, qui s’approchent d’expressions plus « classiques », moins « surmûres » du chenin ligérien.

  • Bouche intense (moins que les trois précédentes toutefois…), fraîche, subtile, très harmonieuse, exprimant bien sa minéralité et son allonge. Avec moins d’alcool perceptible et davantage de fraîcheur aromatique, ce millésime séduisant se montre très réussi.

11. La Coulée de Serrant 1993 :

DS13,5 – PC13,5 – MS13. Note moyenne du groupe : 13,5 – Prix : 42 €

  • Robe dorée mate, peu d’éclat.

  • Le nez difficile rappelle celui du 1998, iodé (huître), végétal, moisi…

  • On trouve heureusement en bouche du fruit, des notes florales, une acidité vive qui prolonge ce vin un peu mince mais moins délavé que le 1998.

12. La Coulée de Serrant 1992 :

DS15 – PC14,5 – MS14. Note moyenne du groupe : 14,5 – Prix : 42 €

  • Reflets verts très présents.

  • Nez évolué, assez limité mais franc, sur la cire, le nougat, le poireau, la coquille d’huître.

  • La bouche, mince, amère, tendue, est dominée par une acidité perçante et une minéralité bien présente. Un vin austère, chaste (pourquoi pas…) mais décidé.

 

13. La Coulée de Serrant 1991 :

DS14,5 – PC14,5/15 – MS14,5. Note moyenne du groupe : 14,5 – Prix : 42 €

  • Robe assez légère, jaune bouton d’or, toujours parée de reflets verts.

  • Nez un peu timide, exprimant des notes intéressantes, classiques dans la série, « vertes » (gentiane, verveine) et iodées (varech, coquille d’huître).

  • Attaque légère, aqueuse même, mais il y a un charme certain dans la vivacité minérale qui se développe ensuite, sans la dureté du 1992 ; amertume de gentiane en finale.

14. La Coulée de Serrant 1990 :

DS14,5/15 – PC15/15,5 – MS14,5. Note moyenne du groupe : 14,5/15 – Prix : 42 €

  • Robe dorée, pleine, mate, visqueuse, reflets profonds.

  • Nez riche, évolué, capiteux : eau de vie de prune, cire, agrumes confits, nougat, poireau, rillettes…

  • Matière riche, capiteuse, mais austère, assez abrupte. Un vin peu expressif, fortement constitué mais manquant actuellement de finesse et d’élan, relativement décevant.

15. La Coulée de Serrant 1989 :

DS17 – PC17/17,5 – MS17,5/18. Note moyenne du groupe : 17/17,5 – Prix : 42 €

  • Robe intense, proche de celle du 1990, avec davantage de brillance.

  • Nez concentré, riche mais frais, délié mais pas exubérant : mangue (quel exotisme pour la Coulée !), beurre frais, rillettes…

  • Beaucoup de présence en bouche, d’assise, de gras, avec nettement plus de fraîcheur, de finesse, d’élégance que dans le 1990.

16. La Coulée de Serrant 1988 :

DS16,5 – PC17/17,5 – MS17. Note moyenne du groupe : 17 – Prix : 42 €

  • Assez pâle, jeune, couleur camomille, bords translucides.

  • Nez mesuré dans son expression mais extrêmement limpide, aérien : tisane, verveine, cire, profonde minéralité camphrée…

  • Très sec en bouche, très vif, tendu, austère. Limpidité aromatique et structurelle véritablement cristalline. Aucun gras ne dépasse, le corps ne souffre pourtant d’aucune maigreur. Finale sereine, très longue, appointée comme une sagaie, minérale et fumée. Ce vin m’a fait puissamment penser au Clos Sainte-Hune du même millésime.

17. La Coulée de Serrant 1987 :

DS15 – PC14 – MS13,5/14. Note moyenne du groupe : 14 – Prix : 42 €

  • Robe pâle, fluide, jaune-vert.

  • Nez encore assez frais, peu de maturité, expression citronnée et herbacée.

  • Dominante acide et amère qui rend l’expression du vin très austère, d’autant que la matière est faible, mais il y a de la tenue et de la longueur ─ et la jeunesse de l’ensemble est surprenante.

18. La Coulée de Serrant 1986 :

DS14,5 – PC16 – MS15,5. Note moyenne du groupe : 15,5 – Prix : 42 €

  • Robe dorée de bonne intensité.

  • Nez assez mûr, évolué, marqué par l’oxydation : pomme cuite, prune, noix, champignon de Paris…

  • La bouche est encore dominée par l’acidité, mais il y a suffisamment de générosité et de maturité du fruit pour que l’équilibre soit harmonieux. Saveur propre, minérale, plus jeune que le nez.

19. La Coulée de Serrant 1985 :

DS17,5+ – PC18 – MS17,5. Note moyenne du groupe : 17,5 – Prix : 42 €

  • Robe d’intensité moyenne, très jeune d’aspect, encore nettement verte, or pâle, tisane…

  • Nez net, transparent, généreux, complexe et cohérent, profondément minéral (camphré) ; on sent du mousseron, de la pomme cuite, du beurre, du miel…

  • La bouche est riche, mûre, dense, mais équilibrée par une très puissante acidité. Le toucher de bouche, à la fois incisif et velouté, est celui des grands millésimes ; la longueur et la pureté de l’expression minérale sont également du plus haut niveau.

20. La Coulée de Serrant 1984 :

DS14,5 – PC10 – MS12,5. Note moyenne du groupe : 12,5 – Prix : 42 €

  • Robe mate, avec une nuance brune peu avenante.

  • Nez d’amande, de camphre et de vernis ; vieux, ingrat, morne.

  • La bouche est dure, dépassée par une acidité vengeresse. Pourquoi tant d’alcool (14° annoncés) ? Pour moi ce vin est mort, d’autres lui trouvent encore de la tenue.

21. La Coulée de Serrant 1983 :

DS16 – PC17/17,5 – MS16,5. Note moyenne du groupe : 16,5 – Prix : 42 €

  • Robe encore assez jeune, dorée avec une nuance verte prononcée.

  • Très beau nez, fin et pur, qui peut évoquer un riesling : citron confit, agaric, minéralité.

  • La bouche est remarquablement droite, relativement dense, très acide. La saveur de citron confit et de minéralité schisteuse est délicieuse (tout en conservant une indéniable austérité ─ le quant-à-soi aromatique de la Coulée…). Très beau vin, jeune pour ses 22 ans, racé, tendu.

Conclusion :

  • Lors de cette dégustation, exhaustive en ce qui concerne les millésimes récents, l’expression de la Coulée de Serrant, qui participe pourtant aussi de la typicité du chenin et de celle de Savennières, affirme très rapidement son unité et son originalité : profonde minéralité, densité et longueur supérieures, expression aromatique typée (« verdeur », prune, minéralité…), captivante mais souvent austère, retenue, parfois même rébarbative, équilibre gustatif sur l’acidité et l’amertume. Peu de vins blancs manifestent autant de qualités de constitution de corps, de longueur, de droiture minérale. D’autres ont pour eux une séduction aromatique immédiate, une exubérance, que n’aura jamais la Coulée. Et c’est très bien ainsi.

  • Malgré le caractère particulier, l’expression parfois austère du vin, les appréciations au sein du groupe de dégustateurs sont particulièrement homogènes. Les grandes réussites sont nombreuses, exprimant de façon complète la personnalité du cru, avec des équilibres parfois portés davantage sur la richesse, ou sur la nervosité. Lors de cette dégustation, un millésime récent (1999) et un plus ancien (1985) nous ont paru particulièrement complets, représentatifs du génie propre au terroir. 2002, 2000, 1996, 1995, 1994, 1989, 1988 et 1983 ne sont pas très loin qualitativement. Les millésimes plus difficiles sont souvent surprenants de qualité, d’intensité et de longévité ; certains sont quand même vraiment ingrats (1998, 1993…). 1990 et 2001 se situent en deçà des attentes. 1997, millésime atypique, s’est exprimé de façon plus convaincante qu’en d’autres occasions.

  • Malgré la forte cohérence de la série, on remarquera que globalement les millésimes les plus récents présentent un caractère plus capiteux, plus riche qu’auparavant, des expressions aromatiques lorgnant vers la surmaturité ─ évolution climatique et/ou volonté de l’homme ?