Toutes les bouteilles, stockées pendant une longue période dans des conditions optimales, ont été placées dans une cave de service, à température adaptée, verticalement, 6 jours avant notre rendez-vous.
Cette dégustation s’est déroulée en deux séances : l’après-midi à 14h15 puis le soir à 19h30.
Ce compte-rendu détaille les impressions du soir.
Entre autres causes, une aération de 5 heures (dans la bouteille rebouchée en position verticale) peut expliquer les variations dans les appréciations.
Les vins sont dégustés sans présentation à l’aveugle.
Les verres utilisés sont les « Expert » de Spiegelau.
DS : Didier Sanchez – LG : Laurent Gibet – CDC : Cécile Debroas Castaigns – FM : François Martinez – AA : Attila Aranyos – HC : Hervé Cuzon.
(Nombre total de dégustateurs : 12)
Style traditionnel. 11 communes du Barolo. (Barolo, Serralunga d’Alba, La Morra, Castiglione Falletto, Monforte’Alba, Verduno, Grinzane Cavour, Novello, Diano d’Alba, Cherasco, Roddi)
A l’ouverture : DS14,5 – CDC14,5 – AA14
Après 5 heures d’aération : DS15 – LG15 – FM14 – HC15
Robe claire.
Joli nez classique composé de senteurs de cerise, fleurs, épices, terre, quinquina, menthe.
Matière assez légère mais nette, logique sensation tannique. Finale un peu amère et rustique. On peut penser à un vin du Haut-Piémont.
Style intermédiaire traditionnel/moderne. La Morra (Cappallotti, Bricco San Biagio) – Vignes jeunes, altitude 250-300 m.
A l’ouverture : DS15 – CDC15 – AA15
Après 5 heures d’aération : DS15 – LG15,5 – FM13 – HC14,5
Robe peu intense. Nez corsé, acidulé, exprimant le quinquina, le guignolet, la gelée de groseille.
Tannins poudreux dans une matière d’ampleur correcte. Finale un peu chaude.
Style intermédiaire traditionnel/moderne. La Morra (Ceretta , Rocche dell’Annunziata). Vignes 21-61 ans, altitude de 260 m.
A l’ouverture : DS(14) – CDC14,5 – AA(14)
Après 5 heures d’aération : DS(14) – LG13 – FM13 – HC15,5
Robe plus intense/mate, touche boisée/lactique.
Bouche dense aux tannins marqués, asséchants. Dommage que l’élevage vienne ainsi dénaturer l’expression de ce beau cépage.
Style intermédiaire traditionnel/moderne (Rocche dell’Annunziata et autres). Altitude 300-320m
A l’ouverture : DS16 – CDC16/16,5 – AA16
Commentaire en anglais d’Attila : forthcoming fruity nose (strawberries & blueberries) a great “value” Barolo with vibrant mouthfeel in multiple layers.
Après 5 heures d’aération : DS15,5 – LG14,5 – FM15 – HC15
Robe plus intense/mate. Nez très mûr, simple, boisé, lactique (clafoutis, cerise confite). Rustique et tannique pour une expression aromatique elle aussi trop inféodée au bois.
Style traditionnel, altitude 220-255 m.
A l’ouverture : DS16 – CDC16 – AA16,5
Commentaire en anglais d’Attila : Juicy seduction, inviting bites into black cherries with silky soft tannins. A fruit-forward Barolo on the finesse.
Après 5 heures d’aération : DS16,5 – LG16,5 – FM15,5 – HC16,5
On retrouve ici avec un certain soulagement l’expression « naturelle » et généreusement élégante et parfumée (fleurie, épicée, fruitée, graphitée) du cépage.
Bouche svelte, sapide, fraîche, guillerette, aux tannins bien intégrés, conférant une harmonieuse force au vin. Le nebbiolo comme je l’aime …
On confirmera la qualité du domaine le lendemain, à table, avec un excellent Barolo Riserva del Fico 2015.
Style traditionnel. La Morra (Berri, Capalot), altitude 300-420m.
A l’ouverture : DS16,5 – CDC16,5 – AA16,5
Commentaire en anglais d’Attila : Classic & classy , somewhat weightless (Burgundy style),with ripe fruits and balsamic spices.
Après 5 heures d’aération : DS16,5 – LG15,5 – FM16 – HC16,5
Nez agréablement ouvert, pour des arômes de gelée de fraise, de crayon noir, de zestes d’agrumes. Bel ensemble assez dodu, tannins discrets. Caractère un peu en berne toutefois pour cette expression plus monotone (que chez Molino).
Cessera d’exister en 2022. Style intermédiaire traditionnel/moderne. Bricco Rocca, altitude 220-255m.
A l’ouverture : DS15 – CDC14,5 – AA15
Après 5 heures d’aération : DS14,5 – LG14,5 – FM13,5 – HC15,5
Ensemble souple, simple (clafoutis), banal, court. Futilité en service minimum, dira-t-on.
Style moderne. San Giacomo, altitude 350-370m, vignes 60+ ans
A l’ouverture : DS(15) – CDC14 – AA(14,5)
Après 5 heures d’aération : DS(14) – LG12 – FM13 – HC14
De nouveau, le bois (fumée, clou de girofle intense) vient maladroitement jouer les trouble-fête. Matière brutalisée, asséchante, qu’on n’a cruellement pas envie de boire (un comble).
Style traditionnel, altitude 300 m. Alessandria Marilena est la mère de Cristian.
A l’ouverture : DS15,5 – CDC15,5 – AA15,5
Après 5 heures d’aération : DS15,5/16 – LG15,5 – FM16,5 – HC16
Belle présence épicée, tout en fraîcheur avec ces notes classiques de gelée de fruits, d’agrumes, de quinquina.
Matière sobre, cohérente mais de volume de jus seulement moyen; zestée en tendance acide.
Style intermédiaire traditionnel/moderne, altitude 240-290 m.
A l’ouverture : DS(14,5) – CDC14 – AA(14)
Après 5 heures d’aération : DS(15) – LG14 – FM16 – HC13
Encore un fâcheux style moderne, barriqué, fumé, lacté, terriblement ennuyeux. Impression d’un boisé espagnol (Rioja). Bouche acide, momifiée, sans relief.
Style traditionnel. Majoritaire : Bricco Chiesa 210 m & Capalot ~300m + Castiglione Falletto (Fiasco), altitude 250m.
A l’ouverture : DS17,5/18 – CDC17,5 – AA17,5/18
Commentaire en anglais d’Attila : the near perfect Barolo combining charm , structure, finesse with wonderful red fruits.
Après 5 heures d’aération : DS17 – LG17 – FM17 – HC17,5
On retrouve ici avec plaisir un superbe Barolo (et une réelle envie de mettre des mots dessus), capable de se hisser au niveau de ce qui se fait de mieux dans l’appellation (et par la même occasion dans le monde des meilleurs vins rouges du monde, s’unissant ainsi aux éblouissantes expressions produites sur Montalcino).
Robe traditionnelle, moyennement intense, aux invitants reflets orangés.
Nez profond, mûr et joliment complexe : girofle, terre, graphite, menthe, zeste d’agrumes, … composent ce panel olfactif valorisant qu’autorise le cépage dans ses meilleurs traitements. Trame équilibrée et persistante, pleine, assez virile (mâcheuse). Tannins parfaitement maîtrisés. Bien aimé également le 2017 bu récemment. Il faudrait les mettre côte à côte pour comparer leur ouverture aromatique et structurelle (et tenter de deviner leur potentiel de vieillissement ?).
Style traditionnel. Serrendari majoritaire (altitude 450-540m) & Brunate (altitude 250-405m).
A l’ouverture : DS17,5 – CDC16,5 – AA17/17,5
Commentaire en anglais d’Attila : Weightless finesse, delicately built structure. A sensual Barolo decidedly Burgundy style.
Après 5 heures d’aération : DS16,5 – LG16 – FM14 – HC15,5
Nez semblant réduit, exprimant du végétal, du cassis, de la griotte, des fleurs et des épices … comme en Bourgogne.
Juteux, salivant, longiforme, assez austère ; atypique et les tannins évoquent au final un Pommard.
Style traditionnel, altitude 300 m.
A l’ouverture : DS15,5/16 – CDC(14) – AA16
Commentaire en anglais d’Attila : Ripe fruits, concentration, towering tannins, packed with energy ready to explode in a few years.
Après 5 heures d’aération : DS15,5+ – LG(15) – FM16 – HC16
D’emblée, je suis intrigué une robe un peu trop brune semblant trahir des signes de vieillissement et surtout par des notes viandées « cuites » d’évolution (confiture de vieux garçon, cerises à l’eau de vie, sauce soja, nuoc-mam ou encore viandox selon les repères de chacun). Elles me paraissent anormales vu l’extrême jeunesse du vin.
Fumet de nebbiolo en quelque sorte, goût trop évolué mais matière plutôt correcte (solide avec ces notes de fumée et de graphite). On restera prudent car l’olfaction s’est un peu clarifiée dans le verre (curieuse intermittence mais le nebbiolo n’a pas fini de nous surprendre).
Pas convaincu non plus par l’évolution bien précoce des 2009 (riserva ou non). Les vins de ce domaine souffriraient-ils de progéria ? ou bien passent-ils par des phases peu décidables (je pense ici comme évoqué ci-dessus au cas du Rué 2010 de Germano, étincelant en octobre 2021, défectueux (soja marqué, mais un problème de flacon n’est pas à exclure) en décembre 2021 puis de nouveau impeccable sur une troisième bouteille en janvier 2022) ?
Un domaine à suivre attentivement.
Style traditionnel, Gasparina Ridge, vignes 80+ans, altitude 300m.
A l’ouverture : DS16 – CDC15 – AA16
Après 5 heures d’aération : DS15 – LG15,5 – FM17 – HC16
Correct, dense, frais mais un peu anodin. Cassis, épices pour des tannins conférant de la rudesse.
Style traditionnel, altitude 300m, vignes 35-45 ans.
A l’ouverture : DS17 – CDC16,5 – AA17/17,5
Commentaire en anglais d’Attila : The walking classicism with somewhat imposing austerity and great depth.
Après 5 heures d’aération : DS16,5 – LG16 – FM16 – HC16,5
Vin austère (menthe fraîche, quinquina, …), sérieux, louable, dense, (encore) assez simple gustativement parlant.
Style intermédiaire traditionnel/moderne, altitude 320m. A noter : les parcelles s’étendent jusqu’à Barolo, mais la majorité d’entre elles se trouvent à La Morra pour ce vin.
A l’ouverture : DS15,5 – CDC14 – AA15,5
Après 5 heures d’aération : DS(15) – LG13,5 – FM14 – HC14
Boisé fumé (brûlé) accaparant. Ici aussi l’élevage matraque (assèche) un fruit pourtant dense et prometteur. Dommage …
Style moderne (sans extrême), altitude 300-320m, vignes 47 ans.
A l’ouverture : DS16 – CDC16 – AA16
Après 5 heures d’aération : DS16 – LG15,5 – FM16,5 – HC16
Quinquina, fumée, terre. En bouche, on discerne un gros jus qui parvient à tenir tête à un élevage insistant.
Le moins décevant des vins boisés …
Style intermédiaire traditionnel/moderne, altitude 350 m.
A l’ouverture : DS16,5 – CDC15 – AA16/16,5
Commentaire en anglais d’Attila : Bold and forthcoming with considerable depth and elegance.
Après 5 heures d’aération : DS15,5 – LG(13,5) – FM15 – HC15,5
Le vin se montre résolument muet, avare en parfums (cassis, principalement). Tannins marqués, presque secs. A suivre (car les avis des différents dégustateurs sur ce vin sont clairement hétérogènes et aussi car je suis pour le coup le seul à être particulièrement avare (et réservé) en notation – les notes sont plus basses le soir cela dit) …
Style intermédiaire traditionnel/moderne, altitude 380-420m.
A l’ouverture : DS(14) – CDC14 – AA(15,5)
Après 5 heures d’aération : DS(14) – LG13 – FM13 – HC14
Soumis à l’élevage, ce vin dense, ambitieux (dispendieux en tout cas), boisé et graphité, n’est pas simple à juger en l’état.
Vin pirate car pas dans La Morra.
A l’ouverture : DS17,5 – CDC17 – AA17/17,5
Après 5 heures d’aération : DS17,5 – LG17,5 – FM18 – HC18
Appréciable puissance maîtrisée pour ce vin à la fois concentré et séveux (15,5° d’alcool au compteur). Expressivité piémontaise, prestance et constance. Et une infime touche d’évolution, qui confère de la complexité.
On confirme ici la classe du superbe vin goûté lors de la verticale du domaine.
Rappel – Verticale du domaine – Octobre 2021
A l’ouverture : DS17+ – CDC17 – AA17+
Après 5 heures d’aération : DS17,5 – LG17+ – FM16 – HC17 (cr par Laurent Gibet)
Robe nettement plus foncée que dans le cas du vin précédent. La qualité du millésime implique une profondeur de champ pour des parfums de gelée de cerises noires, de guignolet, de quinquina, de graphite, avec une touche terrienne et de fumée. Rentré, compact, pour une formidable allonge subtilement amère. On a là un superbe vin, de style traditionnel me semble-t-il (mais on me souffle qu’il y a un peu de barrique, que je ne détecte absolument pas) dont il sera intéressant, vu les constats décevants que nous observerons sur les vins plus âgés, de surveiller la durée de vie.
Conclusion sur les impressions après 5 heures d’aération :
Niveau d’ensemble correct pour ce grand millésime. Il est vrai cela dit que nous n’avons pas abordé ici les meilleurs domaines en style traditionnel comme Accomasso (sur La Morra, également) mais aussi G. Rinaldi, Burlotto, G. Mascarello, B. Mascarello, Massolino … et beaucoup d’autres répartis dans ce fabuleux vignoble, que nous croisons régulièrement.
L’élevage intensif en bois, comme dans le cas du grenache, notamment sur la merveilleuse appellation de Châteauneuf-du-Pape, me semble un traitement inapproprié pour le nebbiolo. On perd beaucoup de qualités en beauté d’arômes et surtout en qualité de trame, avec des tannins asséchants (au moins dans la jeunesse du vin). J’ai déjà pu constater ces effets regrettables sur les vins de Voerzio, de Sandrone, de Conterno-Fantino, … qui n’ont pas mes faveurs.
Deux vins, agréablement complets, dominent la série : Oddero et Angelo Germano Rué (un domaine moins célèbre).
On notera qu’ils se dégustent plutôt facilement malgré leur jeune âge. Il faudra les regoûter dans le temps pour mieux les comparer aux meilleures expressions bordelaises, de longue garde (et souvent bien retorses en jeunesse).
Ils restent aussi des vins de repas, s’appariant bien avec une nourriture copieuse et rassérénante.
Les comportements du 2016 d’Aurelio Settimo, qui peut sembler déjà usé, et à moindre titre celui d’Angelo Germano Rué 2008 goûté lors de la récente verticale du domaine (grand l’après-midi, semblant bien époumoné le soir), incitent à rester méfiant sur l’évolution de ce grand cépage italien dans le temps, tant en termes de goût que de solidité de trame. Je lis ici ou là des témoignages explicites sur sa versatilité dans le temps (parfums et structure) et il se peut qu’il se montre moins équanime que le cabernet-sauvignon et le merlot sur Bordeaux (je n’oublie pas que j’ai beaucoup moins de recul sur le vieillissement des Baroli que sur celui des grands crus bordelais).
N’oublions pas de nouveau que l’analyse sensorielle du vin inclut de complexes facteurs culturels. On peut aimer le goût umami (sauce soja) dans un vin jeune après tout (qu’il soit volontaire ou non, que l’on soit ou d’origine asiatique ou non).
Comme je l’ai rappelé dans les cas des atermoiements sur le Rué 2008 d’Angelo Germano, l’analyse sensorielle n’est évidemment pas un processus déterministe (la certitude du doute s’impose donc, encore plus pour des flacons qui ne sont goûtés qu’une seule fois, ce qui est le cas ici pour de nombreuses rencontres inédites …).
Cela la rend d’autant plus passionnante, encore plus quand elle est partagée en convivialité.