Verticale de Bartolo Mascarello à Barolo (magnums)
5 avril 2019
Le Clos Centeilles en Minervois Verticale 2010-1995 « Capitelle De Centeilles »
19 avril 2019

Découverte de l’autre grand cru piémontais : Barbaresco

2018_04_06_Barbaresco_photos_2

Découverte de l’autre grand cru piémontais

Barbaresco

Vendredi 6 avril 2018

La dégustation a été préparée et proposée par Maxime France

Commentaires de Philippe Ricard

Quelques commentaires de contexte

Régulièrement, nous confions à Maxime la responsabilité d’un montage ambitieux dans le vignoble transalpin. Passionné par l’Italie depuis quelques années, ayant même monté sa propre activité d’import de vins ultra sélectionnés (La Commedia del Vino), il nous offre l’accès à des dégustations exceptionnelles comme ont pu l’être dans un passé récent la découverte des domaines Burlotto, Giuseppe Mascarello ou encore Barbacarlo. Cette année, il a fait pour nous cette sélection de 25 bouteilles collectées directement sur place, soit dans les domaines concernés, soit chez des cavistes spécialisés.

Cette dégustation s’est déroulée comme d’habitude en deux séances : l’après-midi à 14h15 puis le soir à 19h30.

Les vins sont dégustés sans présentation à l’aveugle.

Les verres utilisés sont les ’’Expert’’ de Spiegelau.

 

Dégustateur l’après-midi : DS : Didier Sanchez – PR : Philippe Ricard – MF : Maxime France – CDC : Cécile Debroas Castaigns

Dégustateurs le soir : DS : Didier Sanchez – MF : Maxime France LG : Laurent Gibet – FM : François Martinez – MS : Miguel Sennoun

Barbaresco

Barbaresco, vignoble des Langhe, se situe au nord-est de Barolo.

Même cépage, forte proximité géographique, mais une superficie moitié moindre (500 ha), un vignoble plus bas et plus chaud que chez le célèbre voisin. Une composition des sols plus homogènes également, globalement marno-calcaires.

Une appellation restée longtemps dans l’ombre de Barolo, notamment pour des raisons sociales, les producteurs locaux n’ayant pas d’origines aristocratiques aussi prestigieuses… Il fallut ainsi attendre les années 60, les familles Gaja et Giacosa, pour que Barbaresco accède à un début d’ambition, 20 ans plus tard pour asseoir une relative renommée…

Pour les plus curieux, je ne peux que recommander la lecture archi-complète du vignoble faite par Nicolas Herbin sur le site Vin Terre Net (ici) : Barbaresco n’aura plus de secrets pour vous !

Millésimes présentés

 

2014 : millésime très modeste à Barolo, mieux réussi à Barbaresco

2013 : grand millésime, équilibré et structuré ; à attendre

2012 : millésime intermédiaire, frais, peu puissant mais avec de jolis vins

2011 : millésime solaire, très accessible, immédiat

2010 : millésime très structuré, de grande garde

2009 : millésime solaire

2008 : millésime frais, classique, joli

2007 : millésime intermédiaire, sans grande puissance mais à maturité aujourd’hui

2005 : millésime moyen aux yeux de la presse internationale mais qui se révèle avec surprise aujourd’hui

2003 : millésime caniculaire

 

Ordre de dégustation

(Nombre total de dégustateurs : 16)

 

  1. Enoteca del Borgo di Neive (Italo Farinetti) : DOCG Barbaresco 2014

A l’ouverture : DS13,5/14 – MF12 – PR13,5 – CDC13,5

Après 5 heures d’aération : MF14 – LG16 – MS15,5

 

Un des derniers millésimes de ce vigneron/caviste qui vient d’arrêter son activité…

Modeste, serré, révélé avec austérité sur des tonalités discrètes, fraîches, voire ligneuses (groseille, guigne, fleurs, rafles), un vin assez rustique mais sincère.

 

  1. Azienda Agricola Cascina delle Rose : DOCG Barbaresco Tre Stelle 2014

A l’ouverture : DS15 – MF15,5 – PR15,5 – CDC15

Après 5 heures d’aération : MF16,5 – LG16,5 – MS16

 

Pas encore dévoilé, jeune, mais bien en place : jus tonique (belle acidité du millésime, sur les agrumes), salivant, épicé, fin, précis, aux odeurs pures et gourmandes de cerise, fraise, framboise, fleurs d’oranger, avec une pointe de rouille qui rappelle le Haut-Piémont. Profil longiligne, élancé, persistant ; bien né.

 

  1. Produttori del Barbaresco : DOCG Barbaresco 2014

A l’ouverture : DS14,5 – MF14,5 – PR14,5 – CDC14,5

Après 5 heures d’aération : MF14,5 – LG15 – MS14

 

Encore revêche, tannique, pas forcément flatteur mais sérieusement constitué, énergique, dans un registre très mûr, presque confituré, aux intonations lactiques, fumées, voire de café. Pas facile.

 

  1. Azienda Agricola Rabajà di Rocca Bruno : DOCG Barbaresco 2014

A l’ouverture : DS(12-16) – MF15 – PR(14) – CDC(15)

Après 5 heures d’aération : MF15 – LG(15) – MS(14,5)

 

Vin nettement plus ’’travaillé’’, œuvre œnologique de grande maitrise (finesse tactile, densité de matière, équilibre) qui signe un vin résolument ambitieux mais tout autant impersonnel, dominé par ses excès d’élevage (bois, crème, vanille, goudron, finale sèche) ; on s’éloigne bien inutilement du Piémont…

 

  1. Azienda Agricola La Ca’ Növa : DOCG Barbaresco Montestefano 2014

A l’ouverture : DS15 – MF15,5 – PR15,5+ – CDC15

Après 5 heures d’aération : MF16,5 – LG17 – MS17

 

Profil plus humble et épuré mais surtout plus ’’libre’’, direct, juteux, proche du fruit (orange, cerise, fraise, groseille, rose, menthol, épices), livré avec élan, droiture, non sans une touche de suavité. Sonne juste.

 

  1. Azienda Agricola La Ca’ Növa : DOCG Barbaresco Montefico (vigna Bric Mentina) 2014

A l’ouverture : DS16 – MF16,5- PR16,5+ – CDC16

Après 5 heures d’aération : MF17,5 – LG17,5 – MS17,5

 

Même philosophie (beau classicisme) avec un surcroît de chair, un vin avec du volume, de la sensualité proposant une sève intense, sanguine (très légèrement organique), au fruit mûr et fier (cerise, prune, fraise, brugnon, noyau, réglisse, menthol).

 

  1. Azienda Agricola Bera : DOCG Barbaresco 2013

A l’ouverture : DS15 – MF15,5 – PR15,5 – CDC15,5

Après 5 heures d’aération : MF15,5 – LG16 – MS15

 

Grande spontanéité et fraîcheur d’expression (cerise amarone, framboise, fraise, grenadine, rose intense, menthe, épices), vin ciselé, fin, sans guère de puissance ou d’allonge mais en élégance, précis et déjà offert.

 

  1. Azienda Agricola Fenocchio Renato : DOCG Barbaresco « Starderi » 2013

A l’ouverture : DS15 – MF14,5 – PR15+ – CDC14,5

Après 5 heures d’aération : MF16,5 – LG17 – MS16,5

 

Un Barbaresco plus fourni et viril, compact, batailleur (alcool, acidité et tanins pas encore fondus), à la maturité assumée, presque VDN, à la fois jeune, impétueux mais aussi plus vieux que son âge (un peu cuit, vieux bois, Quinquina, cuir). Bien doté mais cherche encore son équilibre ; en tout cas à l’ouverture.

 

  1. Pirate – Comm. G.B. Burlotto : DOCG Barolo 2013

A l’ouverture : DS16,5 – MF17 – PR16,5/17 – CDC16,5

Après 5 heures d’aération : MF17,5/18- LG17,5 – MS17,5

 

Exercice d’un raffinement superlatif, tout en subtilité, velouté de texture, évidence d’équilibre, de fraîcheur, ravissement de parfums (cerise intense, fraise des bois, grenadine, orange sanguine, rose ancienne, fleur d’oranger, agrumes). Délicieux.

 

  1. Azienda Agricola Rabajà di Rocca Bruno : DOCG Barbaresco 2012

A l’ouverture : DS14,5 – MF15 – PR14 – CDC14,5

Après 5 heures d’aération : MF15 – LG(15) – MS15

 

Elevage plus intégré que le caricatural 2014 (café, toast, fumé, épices), un fruit plus dévoilé (cerise, fraise, écorce d’orange), toujours cette plastique impeccable, veloutée, aristocratique, mais pas d’éclat véritable, un vin fardé, linéaire, qui valorise davantage son géniteur que son terroir.

 

  1. Pirate – Castello di Verduno : DOCG Barolo Massara 2012

A l’ouverture : DSED – MFED – PRED – CDC1ED

Après 5 heures d’aération : MFED – LGED – MSED

 

Etriqué, métallique, sec, bousculé par la volatile, les notes de viandox… Barré…

 

  1. Azienda Agricola Sottimano : DOCG Barbaresco Currá 2012

A l’ouverture : DS14 – MF15 – PR14,5+ – CDC13,5

Après 5 heures d’aération : MF15 – LG(15) – MS14

 

Vin rigoureux, dense, un brin sévère (tannique), à la fraîcheur camphrée, aux fruits rouges volontaires, mais encore un peu brut, toujours contraint par son élevage (lacté, grillé).

 

  1. Manuel Marinacci : DOCG Barbaresco 2010

A l’ouverture : DS16 – MF17 – PR17 – CDC16

Après 5 heures d’aération : MF16 – LG16 – MS16,5/17

 

Beaucoup de relief, de caractère, de franchise de goût, de nuances aromatiques (fumé, cerise, fraise, gelée de groseille, zeste d’oranges, rouille), un vin de structure, assuré, énergique proposant en même temps finesse et qualité de jus. Grand classicisme.

 

  1. Azienda Agricola Olek Bondonio : DOCG Barbaresco Roncagliette 2010

A l’ouverture : DS(14,5) – MF15,5 – PR(15) – CDC(15)

Après 5 heures d’aération : MF14,5 – LG(15,5) – MS(16)

 

Exercice plus fantasque, ultra mûr (pruneau, figue, crème de fruits, gelée de mûres), une signature du genre ’’nature’’, rustique, bataillant entre tanins, grosse acidité (volatile), richesse confiturée, arômes un peu décadents (soja, champignon, vieux bois)… Pour une clientèle avertie…

 

  1. Azienda Agricola I Paglieri – Roagna : DOCG Barbaresco Pajè 2010

A l’ouverture : DS16 – MF17+ – PR17 – CDC17

Après 5 heures d’aération : MF17,5 – LG16,5/17 – MS17,5

 

Pureté, éclat, distinction, un vin qui pinote franchement, soyeux, délicat, salivant, intensément jeune et fruité (cerise, fraise, agrumes, brugnon). Beaucoup de classe !

 

  1. Azienda Agricola Punset : DOCG Barbaresco ’’Campo Quadro’’ 2009

A l’ouverture : DS16 – MF15,5 – PR16 – CDC16

Après 5 heures d’aération : MF16,5 – LG17 – MS17

 

Spontané, savoureux, un rien sauvage dans sa définition (impact acide, rigueur tannique), un vin sans artifices mais conduit avec cohérence, livrant un message de grande fraîcheur et précision malgré les excès du millésimes (floralité, groseille, guigne, menthol, épices).

 

  1. Azienda Agricola Rabajà di Rocca Bruno : DOCG Barbaresco Rabajà 2009

A l’ouverture : DS(12) – MF14 – PR(13,5) – CDC(14)

Après 5 heures d’aération : MF13 – LG14 – MS(13)

 

Concentration, maturité, déferlement de vanille, coco, fruits lactés (yaourt) et de flatteries esthétiques : un vin ’’bimbo’’, travesti sans retenue pour coller à l’archétype apatride de l’œnologie à succès. Aussi impressionnant que difficilement buvable.

 

  1. Azienda Agricola I Paglieri – Roagna : DOCG Barbaresco Montefico 2009

A l’ouverture : DS17,5 – MF17,5 – PR17,5 – CDC17

Après 5 heures d’aération : MF18 – LG17,5 – MS18

 

Du tranchant, de l’énergie, de l’élégance, un vin de grande précision, jaillissant, tonique, étonnamment encore assez simple, presque trop jeune (cerise, fraise, peau d’orange, pêche). Une transparence d’expression des plus excitantes, en plein contraste par rapport à l’échantillon précédent.

 

  1. Azienda Agricola Bera : DOCG Barbaresco Rabajà Riserva 2011

A l’ouverture : DS15,5 – MF16 – PR16 – CDC16

Après 5 heures d’aération : MF16 – LG16 – MS15,5/16

 

Pureté d’arômes (beaux fruits rouges, violette, Quinquina), harmonie en bouche, un vin sapide, offert, délié, à la fois gourmand et retenu, sans complexité majeure mais fort bien ajusté.

 

  1. Azienda Vitivinicola Rizzi : DOCG Barbaresco Boito 2007

A l’ouverture : DS17 – MF17 – PR17,5 – CDC17

Après 5 heures d’aération : MF17,5 – LG18 – MS18  

 

Grande élégance de parfums (rose, jolie trame ’’verte’’, fruits rouges frais, agrumes, nectarine), texture sensuelle, caressante, un vin profond, de forte intensité gustative, combinant à merveille raffinement tactile et intransigeance structurelle.

 

  1. Azienda Agricola Cortese Giuseppe : DOCG Barbaresco Rabajà 2003

A l’ouverture : DS(14) – MF(12) – PR(13) – CDC13

Après 5 heures d’aération : MFED – LGED – MSED

 

Equilibre précaire à l’ouverture, un jus pourtant dynamique mais peu assuré, raidi, aux odeurs bizarres associant grande maturité, végétal, terre, vase, évolution (soja, cèpe).

Bien défectueux le soir.

 

  1. Produttori del Barbaresco : DOCG Barbaresco Rabajà 2009

A l’ouverture : DS15,5 – MF16 – PR15,5/16 – CDC15

Après 5 heures d’aération : MF16 – LG15 – MS15,5/16

 

Solaire (gelée de mûres, confiture de fruits rouges, Quinquina, cuir), rond, suave, copieux mais toujours construit, sans sécheresse ni manque de rythme, proposant un jus généreux mais digeste.

 

  1. Produttori del Barbaresco : DOCG Barbaresco Rabajà 2008

A l’ouverture : DS16 – MF16,5 – PR16,5/17 – CDC16,5

Après 5 heures d’aération : MF16,5 – LG16 – MS16,5

 

Matière vive, séveuse, aux odeurs encore juvéniles (fraise, cerise, zestes, floralité), une expression rafraîchissante (en cohérence avec le millésime), fuselée, traçante.

 

  1. Produttori del Barbaresco : DOCG Barbaresco Rabajà 2007

A l’ouverture : DS16,5 – MF17 – PR17 – CDC17

Après 5 heures d’aération : MF17 – LG16,5 – MS16,5

 

Charnel, plein, sanguin, style accompli, ample mais sans relâchement, diffusant des senteurs épanouies de fruits noirs, d’épices, de menthol, de camphre, de bois de rose.

 

  1. Produttori del Barbaresco : DOCG Barbaresco Rabajà 2005

A l’ouverture : DS(13,5) – MFED – PR(12) – CDC(13)

Après 5 heures d’aération : MFED – LGED – MSED

 

Métallique, rafleux, évolué, crispé, amer, un vin en ruade, difficilement déchiffrable à l’ouverture.

Confirmé en défaut le soir.

 

Conclusion

Comme on s’y attendait, la dégustation fut de haute volée.

Il faut dire que tous les ingrédients étaient réunis : un cépage à fort potentiel, une des plus belles région d’Italie et le talent de Maxime pour dénicher des beaux flacons…

On retrouve donc le nebbiolo piémontais à son meilleur, se jouant avec aisance d’intensités de saveurs souvent plus osées que dans l’hexagone (maturité, acidité, tanins), mais avec des équilibres irréprochables. On renifle avec bonheur ces variations aromatiques sur les fruits rouges, les agrumes, les pétales de fleurs, les épices, sans jamais pouvoir s’en lasser.

Pourtant, on perçoit quelques nuances avec le voisin Barolo : plus longiligne, plus délicat, Barbaresco semble jouer sur un registre de finesse, de pureté esthétique. Moins puissants, moins en volume, moins en rigueur structurelle également, ces vins semblent s’offrir plus rapidement, avec davantage de sensualité, de fraîcheur, de délié. On retrouve d’ailleurs plus facilement l’esprit gracile, rectiligne du nebbiolo haut-piémontais que la puissance, voire la virilité du Barolo…

Sans surprise, nos préférences vont vers des styles ’’classiques’’, des vins sans maquillage, épurés, digestes, des vins davantage ’’accompagnés’’ que ’’guidés’’ par leurs auteurs. Largement majoritaires dans cette sélection, peut-être le sont-ils également dans une appellation moins médiatisée que Barolo, donc moins sensible aux caprices des modes ?