2007_10_25_Horizontale_Bordeaux_2004_photos
Club toulousain In Vino Veritas
Horizontale Bordeaux rouges 2004
La dégustation, préparée par Didier Sanchez, a été répartie en 2 séances et commentée par Philippe Ricard pour l’après-midi et Laurent Gibet pour le soir.
Quelques commentaires de contexte :
La dégustation s’est déroulée en deux phases : l’après-midi à 14h15 puis le soir à 19h30.
Le compte rendu porte sur les deux séances.
Entre autres causes, une aération de 5 heures (dans la bouteille rebouchée en position verticale) peut expliquer les variations dans les appréciations.
Les notes de Didier Sanchez, présent aux 2 séances, sont le reflet de ces variations.
Les vins sont dégustés à l’aveugle.
Les verres utilisés sont les «Expert» de Spiegelau.
DS : Didier Sanchez – PC : Pierre Citerne – LG : Laurent Gibet – PR : Philippe Ricard – MS : Miguel Sennoun – CD : Christian Declume – BLG : Bertrand Le Guern.
1ère partie :
Jeudi 25 octobre 2007
Ordre de dégustation du soir.
(Nombre de dégustateurs total : 17)
1. Château Brane-Cantenac – Margaux 2ème Grand Cru Classé 2004
65% Cabernet Sauvignon/30 % Merlot/5% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS13,5 – PR13 – CD14 – BLG13. Note moyenne AM : 13,4
Le soir : DS14 – PC12,5 – LG14 – MS14,5. Note moyenne SOIR : 13,8
Fruit très mûr pour des senteurs de moka et de cassis. Bouche nette, correctement fruitée, qui bénéficie d’une acidité satisfaisante. Structure trop lâche (un creux certain en milieu de bouche). Expression faible, un peu standardisée.
2. Château Branaire-Ducru – Saint-Julien 4ème Grand Cru Classé 2004
70% Cabernet Sauvignon/22 % Merlot/4% Petit Verdot/ 4% Cabernet Franc – 13°
Vin bouchonné.
3. Château Beychevelle – Saint-Julien 4ème Grand Cru Classé 2004
46% Cabernet Sauvignon/42 % Merlot/7% Cabernet Franc/5% Petit Verdot – 13°
L’après-midi : DS14,5 – PR14 – CD14,5 – BLG14. Note moyenne AM : 14,3
Le soir : DS16 – PC16 – LG16 – MS16. Note moyenne SOIR : 16
Le vin sent fortement le moka. Effluves additionnels de fruits noirs (cassis, myrtille), d’herbes aromatiques, de suie (caractère fuligineux). Bouche de belle densité, charnue, portée par une acidité fiable et fortifiante, terminée par un superbe retour fruité (qui participe de la persistance). Constant, consensuel et une tenue en bouche vraiment appréciable.
4. Château Pontet-Canet – Pauillac 5ème Grand Cru Classé 2004
65% Cabernet Sauvignon/29 % Merlot/4% Cabernet Franc/2%Petit Verdot – 13°
L’après-midi : DS16 – PR15,5 – CD14,5 – BLG14. Note moyenne AM : 15
Le soir : DS14,5 – PC(14,5) – LG14,5 – MS14,5. Note moyenne SOIR : 14,5
Nez crémeux, très mûr, corsé, avec des odeurs de réglisse, de cacao, de goudron, de gelée de mûres. Opulence aromatique, un peu sudiste. Bouche très concentrée, finale astringente pour une finale trop subite (elle décroche trop vite). Goûts pimentés et tannins plus rugueux.
5. Château Valandraud – Saint-Emilion Grand Cru 2004
70 % Merlot/25% Cabernet Franc/2% Cabernet Sauvignon – 14°
L’après-midi : DS16 – PR16 – CD14 – BLG14. Note moyenne AM : 15
Cette bouteille divise le groupe de l’après-midi : certains restent circonspects face aux traces d’un élevage bien démonstratif, tandis que d’autres apprécient une matière bien en place, mais encore trop jeune pour s’épanouir.
Le soir : DS14 – PC14,5 – LG15 – MS14,5. Note moyenne SOIR : 14,5
Les notes insolites de riz soufflé (déjà repérées sur ce vin lors d’une première dégustation) me font immédiatement penser à Valandraud. Le fruit est mûr et l’élevage de qualité. Senteurs de fleurs, de biscotte. En bouche on devine une grande méticulosité d’élaboration. Mais ce soir, le vin est plutôt capiteux et semble manquer de socle, restant un peu en façade.
6. Château Pape Clément – Pessac-Léognan Grand Cru Classé 2004
60% Cabernet Sauvignon/40 % Merlot – 13°
L’après-midi : DS14 – PR14 – CD14 – BLG14 . Note moyenne AM : 14
Le soir : DS15,5 – PC(15) – LG(15) – MS15. Note moyenne SOIR : 15,1
Notes très mûres, particulièrement sudistes (premier nez de Côte-Rôtie : lard, violette, poivre). Bouche travaillée, extraite, qui tend presque à sécher. Flaveurs de poivre, de fumée. Un vin qui semble bien « forcé », boosté, et qui manque cruellement d’élégance. Jugement tempéré, analogue à celui émis lors de la dégustation du 5/7/07 (note de 14,5/20).
Rappel : Bu en Juillet 2007 au club : 14/20
Style général un peu solaire et concentré, plus typé Languedoc que Bordeaux.
7. Château Beau-Séjour Bécot – Saint-Emilion 1er Grand Cru Classé B 2004
70 % Merlot/24% Cabernet Franc/6% Cabernet Sauvignon – 14°
L’après-midi : DS14,5 – PR15 – CD14,5 – BLG16. Note moyenne AM : 15
Le soir : DS15 – PC14/14,5 – LG15 – MS15,5. Note moyenne SOIR : 14,9
Ici encore, un nez marqué par la maturité : confiture de mûres, moka. Le boisé est appuyé. Bouche dans un registre plutôt flatteur (sucrosité ?), lestée par trop d’alcool mais pour autant dynamisante. Le grain est fin, le milieu de bouche convenable et la finale seulement moyenne.
8. Château Haut-Bailly – Pessac-Léognan Grand Cru Classé 2004
65% Cabernet Sauvignon/25 % Merlot/10% Cabernet Franc – 12,5°
L’après-midi : DS15,5 – PR15,5 – CD16,5 – BLG15. Note moyenne AM : 15,6
Le soir : DS16,5 – PC16 – LG17 – MS16,5. Note moyenne SOIR : 16,5
Nez organique, avec des senteurs de fleurs, de moka. Bouche solide, tonique. Du naturel, de l’allonge, de l’équilibre (alcool modéré), ainsi que de la précision pour cette interprétation juvénile, juteuse, salivante. Grande franchise de fruit en dépit de quelques notes animales.
9. Les Grands Chênes (Magrez) – Médoc 2004
50 % Merlot/45% Cabernet Sauvignon/5% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS17 – PR17 – CD16,5 – BLG17. Note moyenne AM : 16,9
Le soir : DS17 – PC16,5 – LG16 – MS16,5. Note moyenne SOIR : 16,5
Un nez nullement aguicheur (comme certains autres vins huppés de la série) : ni « sucré », ni velouté, aucune oeillade boisée vulgaire. Le fruit est assez crémeux mais englobé dans une trame austère qui sent la cerise, la myrtille, la terre humide, la créosote, le cachou. Bouche virile, de bonne tenue, aux fortes flaveurs de goudron. Elle semble limitée en termes de tannins et de longueur (le terroir n’est peut-être pas de premier choix ?). L’élevage semble aussi plus permissif (moins travaillé, ostentatoire ?).
J’avoue avoir été sensible (biais cognitif) à l’enthousiasme général de mes partenaires de dégustation sur cette expression solide et sérieuse (ma note immédiate étant plus basse).
10. Clos Fourtet Saint-Emilion 1er Grand Cru Classé B 2004
85 % Merlot/10% Cabernet Sauvignon/5% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS14,5 – PR14 – CD15 – BLG14. Note moyenne AM : 14,4
Le soir : DS14 – PC(13/14) – LG14 – MS13,5. Note moyenne SOIR : 13,8
Boisé imposant et des odeurs de menthol et de zeste d’orange. Matière opulente, dodue, impression sucrée. Facile d’accès mais elle manque de classe.
11. Château Planquette – Médoc 2004
50 % Merlot/ 50% Cabernet Sauvignon
Le soir (vin non goûté l’après-midi) : DS14,5 – PC17 – LG(15,5) – MS15,5. Note moyenne SOIR : 15,6
Le nez semble profond mais il reste assez renfrogné (réduction ?), avec des notes d’amande et de pomme (éthanal ?). L’effet « usage restrictif du soufre » me semble manifeste (notes moins nettes, plus erratiques, profil plus versatile). La bouche est très marquée par un beau cassis dominateur de cabernet-sauvignon. Elle est dopée par une acidité cinglante pour les uns, remarquable pour les autres (le vin tranche dans une série de Bordeaux 2004 parfois bien lourdement lestés par la maturité des baies et le degré alcoolique). Un vin de belle facture, qui se range aux côtés des vins les plus frais de la série, avec une silhouette un peu plus frêle cependant.
Pour info : bu la veille : LG15+/20
Nez mis en valeur par un boisé de qualité, exprimant un beau pack de senteurs assez masculines de terre, de moka, de cacao, de fruits noirs, de fumée, de zeste d’orange et en moins attendu de miel et d’estragon. Direct, avec de l’éclat. Bouche à la mâche prometteuse, cohérente et fine, alliant force et douceur. Elle s’appuie sur une acidité de confiance
12. Château Calon-Ségur – Saint-Estèphe 3ème Grand Cru Classé 2004
60% Cabernet Sauvignon/30 % Merlot/10% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS16,5/17 – PR16,5/17 – CD16,5 – BLG16. Note moyenne AM : 16,5
Le soir : DS16 – PC15+ – LG16 – MS15. Note moyenne SOIR : 15,5
Nez nettement plus végétal exprimant pas mal de bourgeon de cassis. Bouche austère, sans trop d’éclat mais équilibrée. Sans faire d’étincelles, elle dispose toutefois de fond, de jus, de finesse ; ces atouts garantissent un bon potentiel. Belle finale légèrement amère, réglissée.
13. Château Léoville Poyferré – Saint-Julien 2ème Grand Cru Classé 2004
58% Cabernet Sauvignon/31 % Merlot/9% Petit Verdot/2% Cabernet Franc – 13,5°
L’après-midi : DS15 – PR14 – CD15 – BLG15. Note moyenne AM : 14,8
Le soir : DS16,5/17 – PC17 – LG16,5 – MS17. Note moyenne SOIR : 16,8
Nez subtilement crémeux, corsé, réglissé. Beau boisé. Bouche dotée d’une remarquable compacité, au grain fin, valorisée par une tension remarquable, qui ira loin. C’est la troisième fois que je déguste ce vin à ce niveau.
A noter le grand écart entre les 2 séances…
14. Château Pichon-Longueville – Pauillac 2ème Grand Cru Classé 2004
60% Cabernet Sauvignon/33 % Merlot/7% Cabernet Franc – 13,5°
L’après-midi : DS16 – PR14,5/15 – CD14 – BLG14. Note moyenne AM : 14,7
Le soir : DS16,5/17 – PC16,5 – LG17,5 – MS17. Note moyenne SOIR : 16,9
Nez profond, mûr, à l’aspect un peu oriental : cassis, tabac, réglisse. Matière suave, soyeuse, d’une grande délicatesse (presque arachnéenne, comme sur un grand Margaux). Trame superbe, sans défaillance, à l’expression tactile très enviable.
Encore une aération qui change radicalement la donne…
15. Château L’Evangile – Pomerol 2004
78 % Merlot/22% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS15 – PR14,5 – CD14 – BLG15. Note moyenne AM : 14,6
Le soir : DS15 – PC14,5 – LG(15) – MS14. Note moyenne SOIR : 14,6
Panel aromatique de rive droite : moka, myrtille, cacao, épices, fumée. L’ensemble est tout de même bien ardent. Bouche assez soyeuse mais l’élevage masque le fond et le taux d’alcool important risque de déséquilibrer le vin.
16. Château Ducru-Beaucaillou – Saint-Julien 2ème Grand Cru Classé 2004
70% Cabernet Sauvignon/25 % Merlot/5% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS14,5 – PR14,5 – CD15,5 – BLG14. Note moyenne AM : 14,6
Le soir : DS15,5 – PC15 – LG15,5/16 – MS16. Note moyenne SOIR : 15,6
Expression rafraîchissante, fine, avec beaucoup de cassis. Le vin livre peu dans un mode viril, corsé. Mâche de garde, dopée par une acidité notable.
17. Château Figeac Saint-Emilion 1er Grand Cru Classé B 2004
35% Cabernet Franc/35% Cabernet Sauvignon/30 % Merlot/ – 13°
L’après-midi : DS14,5 – PR14,5 – CD14 – BLG14. Note moyenne AM : 14,3
Le soir : DS15 – PC14/14,5 – LG13,5 – MS15,5 . Note moyenne SOIR : 14,6
Nez évoquant presque châteauneuf : fruit cuit, corsé, particulièrement épicé. Bouche dans un style extrême, non dénuée de finesse mais manquant singulièrement de typicité et de fraîcheur.
18. Château Montrose – Saint-Estèphe 2ème Grand Cru Classé 2004
65% Cabernet Sauvignon/25 % Merlot/10% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS16,5/17 – PR16,5/17 – CD16 – BLG16. Note moyenne AM : 16,4
Le soir : DS17,5 – PC16 – LG16,5 – MS16. Note moyenne SOIR : 16,5
Nez de caractère, sans concession, iodé, animal (très « St-Estèphe ») : sol de cave, encens, cassis puissant, encre. En bouche, on apprécie la vitalité d’un beau vin de garde.
19. Château Palmer – Margaux 3ème Grand Cru Classé 2004
47% Cabernet Sauvignon/47 % Merlot/6% Petit Verdot – 13°
L’après-midi : DS16,5+ – PR16 – CD16 – BLG15. Note moyenne AM : 15,9
Le soir : DS17 – PC16,5 – LG16 – MS16,5. Note moyenne SOIR : 16,5
Boisé encore marqué. Bouche concentrée et ronde (sous forme d’un beau fuseau fin), glissante mais clairement sur la réserve, réglissée.
Conclusion de l’après-midi pour cette 1ère approche
A l’ouverture des bouteilles, la dégustation s’avère globalement bonne, avec une certaine homogénéité.
Certes, la jeunesse de ces vins ne nous a évidemment pas permis de les apprécier dans leur phase la plus flatteuse, mais ce premier point sur le millésime nous permet de faire un petit bilan.
Tout d’abord, nous avons tous été surpris des maturités intenses, parfois même chaleureuses (présence d’alcool souvent observée), évoquant des caractères sudistes.
Pourtant, aucun d’entre nous n’avait le souvenir d’un millésime hyper mûr à Bordeaux…
Preuve que la recherche de la pleine maturité du raisin avant vendanges n’est plus un vain mot !
Mais nous serions aussi curieux de connaître le détail des techniques de vinification, l’œnologie moderne et les progrès techniques en la matière pouvant certainement jouer un rôle influant…
Ensuite, hormis quelques exceptions, il faut noter une majorité de vins exempts d’arômes boisés, de signature d’élevage disproportionnée.
Assez rassurant dans un contexte où l’inverse semblait être assez souvent pointé du doigt…
Durant cette première séance, les St-Estèphe se sont particulièrement bien exprimés, avec une race qui faisait plaisir dans un contexte où l’identité bordelaise était parfois mise à mal…
A noter surtout la remarquable démonstration des Grands Chênes à l’expression réjouissante : honnêtement, nous ne l’attendions pas à la tête de ce classement, même s’il s’était déjà illustré dans d’autres contextes.
Son terroir plus modeste permet peut-être une expression plus immédiate, contrairement à ses voisins de dégustation, à la révélation beaucoup plus lente…
Ce qui ne doit rien enlever au talent de son géniteur…
Conclusion du soir pour cette 1ère salve
On constate sans surprise de nouvelles fluctuations sur l’état de présentation des vins :
Léoville Poyferré 2004, stable, confirme sa classe sur 3 dégustations. Déguster plusieurs fois est un moyen de rendre l’appréciation sur une cuvée bien évidemment plus fiable.
Les vins sont mûrs (avec des taux d’alcool qui semblent souvent trop élevés).
Grands Chênes 2004 (qui confirmera lors de la 2ème séance) et Planquette 2004 (dans un style résolument à part, plus frais), peu onéreux (de l’ordre de 15 euros chez les cavistes), dament le pion à des vins au pedigree plus important.
2ème partie :
Mardi 20 novembre 2007
Ordre de dégustation du soir.
(Nombre de dégustateurs : 16)
1. Château Saint-Pierre – Saint-Julien 4ème Grand Cru Classé 2004
70 % Cabernet Sauvignon/ 25% Merlot/ 5% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS15,5 – PR16,5 – CD16 – BLG16. Note moyenne AM : 16
Le soir : DS14,5 – PC13,5 – LG14 – MS14. Note moyenne SOIR : 14
Robe foncée. Nez mûr, corsé, grillé, pour une sensation de soupe de fruits acides. Boisé encore bien présent. Bouche au socle tout relatif, un peu pâteuse. Assez précaire, sans grand plaisir.
Premier grand écart entre les 2 séances, avec pour commencer une aération quelque peu assassine…
2. Château Pape Clément – Pessac-Léognan Grand Cru Classé 2004
60% Cabernet Sauvignon/40 % Merlot – 13°
L’après-midi : DS16,5/17 – PR16,5 – CD16,5 – BLG16,5. Note moyenne AM : 16,6
C’est à se demander si on goûte le même vin que lors de nos deux précédentes expériences…
Le soir : DS15,5+ – PC15,5 – LG15,5+ – MS16. Note moyenne SOIR : 15,6+
Robe noire, pour un vin coulant épais. Nez profond, épicé, fumé, encore copieusement boisé. Notes de fruits noirs, de cacao, pour une sauvagerie relative conférant du caractère. Bouche dense, un peu morose, concédant peu. Certains imaginent un Madiran (avec des tannins toutefois plutôt policés). Un vin puissant, de garde, qui progressera dans les prochaines années. Reste assez classique, avec de la vitalité et une fraîcheur heureusement préservée. Se goûte mieux que lors des 2 dégustations précédentes (ou son côté syrah, presque sudiste, nettement plus relâché, était bien intrigant).
3. Château Angélus – Saint-Emilion 1er Grand Cru Classé B 2004
50% Cabernet Franc/ 45% Merlot/ 5 % Cabernet Sauvignon – 14°
L’après-midi : DS15,5/16 – PR15,5/16 – CD15,5 – BLG15. Note moyenne AM : 15,5
Le soir : DS16/16,5 – PC16,5 – LG17 – MS16,5. Note moyenne SOIR : 16,5
Robe noire. Nez sur le moka, le minéral et en même temps disposant d’un important fond fruité doux (légèrement lacté). Bouche concentrée, avec de beaux tannins aiguisés (rive gauche ?). Style sphérique, fiable. Très beau support acide accompagnant le déploiement de cette matière élégante.
Rappel : goûté de façon très similaire en avril 2007 lors de la verticale des vins du domaine, avec les mêmes différences entre après-midi et soir.
4. Château Cos d’Estournel – Saint-Estèphe 2ème Grand Cru Classé 2004
74 % Cabernet Sauvignon/23% Merlot/3% Cabernet Franc – 13,5°
L’après-midi : DS15 – PR15,5 – CD16 – BLG15,5. Note moyenne AM : 15,5
Le soir : DS15 – PC14,5 – LG15 – MS15. Note moyenne SOIR : 14,9
Nez apparaissant plus vert, relativement plus indigent (plus leste également). Notes comptées de cassis, de réglisse, d’herbes aromatiques. Trame poids plume, aux tannins plus grossiers (enveloppe bien plus réduite que dans le cas d’Angélus 2004).
5. Château Les Grands Chênes (Magrez) – Médoc 2004
50 % Merlot/45% Cabernet Sauvignon/5% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS13,5 – PR13,5 – CD14 – BLG14. Note moyenne AM : 13,8
Le soir : DS16,5 – PC16,5 – LG16,5 – MS16,5. Note moyenne SOIR : 16,5
Robe foncée. Nez expressif, vivant, déclinant des senteurs de fruits noirs, de moka, de fleurs capiteuses. La matière remplit bien la bouche, avec des tannins arrondis. Cohérence, délicatesse et suavité, pour un joli grain, qui a l’heur d’offrir en prime un beau suivi.
Enorme différence entre les 2 séances où seule la dégustation du soir permet de retrouver le vin bu le 25 Octobre.
On réunit en l’espace de 5 heures tous les arguments qui alimentent les polémiques des forums internet…
6. Domaine de Chevalier – Pessac-Léognan Grand Cru Classé 2004
65 % Cabernet Sauvignon/ 30% Merlot/ 5% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS15,5/16 – PR15,5/16 – CD15,5 – BLG16. Note moyenne AM : 15,6
Au fait : Pessac méconnaissable à l’aveugle…
Le soir : DS14,5 – PC15 – LG14,5 – MS15,5. Note moyenne SOIR : 14,9
Comme dans le cas de Cos d’Estournel, il me semble deviner un léger déficit en maturité de fruit. La bouche est marquée par pas mal d’alcool, pour des flaveurs plus acides de groseille. Harmonie en berne en raison d’une désobligeante pointe végétale en milieu de bouche (verdeur/amertume) et d’une finale bien abrupte. Un peu passe-partout et peu typé Pessac.
7. Château Léoville-Las-Cases – Saint-Julien 2ème Grand Cru Classé 2004
67 % Cabernet Sauvignon/ 17% Merlot/ 13% Cabernet Franc/ 3% Petit Verdot – 13°
L’après-midi : DS15 – PR15 – CD15 – BLG15. Note moyenne AM : 15
Le soir : DS15 – PC15+ – LG(14,5) – MS15. Note moyenne SOIR : 14,9
Il y a une retenue appréciable (en termes d’alcool et de maturité) dans cette olfaction offrant de la réglisse, pas mal de cassis et une agréable touche de violette confite. Bouche restant assez pauvre, finissant trop vite. Une silhouette manquant clairement de formes. On attendait un vin peut-être plus « gonflé ». Sa minceur actuelle serait-elle un leurre ?
8. Château La Mission Haut-Brion – Pessac-Léognan Grand Cru Classé 2004
50 % Cabernet Sauvignon/ 40% Merlot/ 10% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS14,5 – PR14 – CD15 – BLG16. Note moyenne AM : 14,9
L’appellation Pessac est là aussi introuvable…
Le soir : DS17 – PC17 – LG17,5 – MS17,5. Note moyenne SOIR : 17,3
Belle robe, nullement saturée. Olfaction de grande classe : pain grillé, cassis, cèdre, bois précieux, vapeurs empyreumatiques subtiles (cet aspect boucané). Bouche aux saveurs accentuées, très fine, parfaitement équilibrée. Race aromatique et structurelle pour cette construction très distinguée, de grande garde. On lui donne rendez-vous dans 10 ans pour (on l’espère) un beau voyage gastronomique.
Nouvelle prouesse de l’aération, pour une quasi-résurrection !
9. Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande – Pauillac 2ème Grand Cru Classé 2004
50 % Cabernet Sauvignon/ 35% Merlot/ 7% Cabernet Franc/ 8% Petit Verdot – 13°
L’après-midi : DS13,5 – PR13,5 – CD14 – BLG14. Note moyenne AM : 13,8
Le soir : DS15,5 – PC15 – LG15 – MS14,5. Note moyenne SOIR : 15
Robe violacée. Nez mûr, avec des notes principales de crème de cassis légèrement lactée et de réglisse. En bouche, le discours est assez solaire, plus rustaud. On bénéficie de fruit et d’une certaine vivacité mais la bulle apparaît un peu creuse.
10. Château Lynch-Bages – Pauillac 5ème Grand Cru Classé 2004
70 % Cabernet Sauvignon/ 15% Merlot/ 10% Cabernet Franc/ 5% Petit Verdot – 13°
L’après-midi : DS16,5 – PR16,5 – CD17 – BLG16. Note moyenne AM : 16,5
Le soir : DS15 – PC14 – LG15,5 – MS15. Note moyenne SOIR : 14,9
Ensemble mûr, sans éclat particulier, de chocolat noir, de réglisse, de cassis, de violette. Bouche fine, veloutée, de densité moyenne. Standard pour un relatif manque de chair.
Nouvelle différence notable avec une appréciation difficile pour les noctambules…
11. Château Léoville Barton – Saint-Julien 2ème Grand Cru Classé 2004
70 % Cabernet Sauvignon/ 20% Merlot/ 8% Cabernet Franc/ 2% Petit Verdot – 13°
L’après-midi : DS17,5 – PR17,5 – CD17 – BLG17. Note moyenne AM : 17,3
Le soir : DS13 – PC11 – LG13,5 – MS13. Note moyenne SOIR : 12,7
Manque de précision aromatique, ingérence de la volatile, boisé marqué. Une bouche qui part dans tous les sens, floue, alcooleuse, laminée. A revoir, naturellement (le vin était magnifique lors de la session de l’après-midi).
A 15h30, ce vin semble titiller les plus grands ; à 21h00, il paraît quasi défectueux…
12. Château Monbousquet – Saint-Emilion Grand Cru 2004
50% Merlot/ 40% Cabernet Franc/ 10% Cabernet Sauvignon – 13,5°
L’après-midi : DS14 – PR14 – CD15 – BLG14. Note moyenne AM : 14,3
Le soir : DS15,5 – PC15,5/16 – LG16,5 – MS16. Note moyenne SOIR : 15,9
Nez pouvant entraîner vers le nord de la vallée du Rhône. Poitrine de porc fumée, suie, poivre, violette, explosion de fruits rouges et noirs, pourraient ainsi être les attributs olfactifs d’une belle Côte-Rôtie. Bouche dans un registre exubérant, portée par une belle acidité. Tonicité, belle accroche pour ce style à part, à l’extraction très raisonnable. Un vin propice à susciter la curiosité.
Suite de la collection de surprises entre les 2 séances…
13. Château Gruaud-Larose – Saint-Julien 2ème Grand Cru Classé 2004
64 % Cabernet Sauvignon/ 24% Merlot/ 9% Cabernet Franc/ 3% Petit Verdot – 13°
L’après-midi : DS15 – PR14 – CD14,5 – BLG14. Note moyenne AM : 14,4
On aurait volontiers parier sur un Merlot plus méditerranéen !
Le soir : DS16,5 – PC16 – LG17 – MS17. Note moyenne SOIR : 16,8
Nez de qualité : cassis, graphite, cèdre, fleurs, minéral. Peu expansif mais tout en élégance. La bouche est un ensemble harmonieux, unitaire, bien structuré, fortifié par une acidité qui devrait emmener le vin assez loin dans le temps. Le jus et la fermeté de la structure tannique font penser à un beau Pauillac (Grand Puy Lacoste).
La différence entre les 2 séances devient une règle…
De quoi rigoler face aux certitudes…
14. Château Pavie-Macquin – Saint-Emilion 1er Grand Cru Classé B 2004
80% Merlot/ 15% Cabernet Franc/ 5 % Cabernet Sauvignon – 14°
L’après-midi : DS13 – PR13,5 – CD14 – BLG14. Note moyenne AM : 13,6
Le soir : DS16 – PC14,5 – LG15 – MS15,5. Note moyenne SOIR : 15,3
Boisé marqué et fruit compoté : cerise confite, liqueur de fruits. Bouche assez capiteuse, semblant manquer en l’état de spontanéité. La densité est là mais l’expression est pour le moment peu nuancée, bien enjolivée mais sans trop de relief. Il faudra bien sûr revoir tout cela dans quelques années car l’expression n’est pas stabilisée.
Encore des changements non négligeables après 5h d’aération…
15. Château Malartic-Lagravière – Pessac-Léognan Grand Cru Classé 2004
50 % Cabernet Sauvignon/ 45% Merlot/ 5% Cabernet Franc
Le soir (vin non goûté l’après-midi) : DS15,5 – PC16,5 – LG16 – MS16. Note moyenne SOIR : 16
Expressivité fruitée ragaillardissante, avec des effluves de bois précieux, de fumée légère. Belle composition fine et fraîche, florale, pour une impression légèrement sucrée.
16. Château La Conseillante – Pomerol 2004
45% Merlot/ 45% Cabernet Franc/ 10 % Malbec – 13,5°
L’après-midi : DS16,5 – PR16,5 – CD17 – BLG16,5. Note moyenne AM : 16,6
Le soir : DS14 – PC13,5 – LG14 – MS13. Note moyenne SOIR : 13,6
Nez boisé pour des senteurs de cassis, d’amande, de minéral. Bouche très réglissée, tout en fermeté, chaleureuse, pas vraiment conciliante. Face à un profil tellement bougon, une rémission est-elle envisageable ?
Résultats éprouvants pour ceux qui vivent des convictions…
17. Château Branaire-Ducru – Saint-Julien 4ème Grand Cru Classé 2004
70% Cabernet Sauvignon/22 % Merlot/4% Petit Verdot/ 4% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS14 – PR14 – CD15 – BLG13. Note moyenne AM : 14
Le soir : DS14,5 – PC14 – LG14 – MS14. Note moyenne SOIR : 14,1
Notes de cassis, de grillé. Ensemble équilibré, simple (cru bourgeois ?), sans défaut rédhibitoire mais manquant tout de même de charpente et d’inspiration.
18. Château Sociando-Mallet – Haut-Médoc 2004
60 % Cabernet Sauvignon/25% Merlot/10% Cabernet Franc/5% Petit Verdot – 12,5°
L’après-midi : DS16,5 – PR16 – CD15,5 – BLG15,5. Note moyenne AM : 15,9
Potentiel évident pour un vin qui attend sagement son heure…
Le soir : DS16,5 – PC17 – LG16,5 – MS17. Note moyenne SOIR : 16,8
Un vin dans sa gangue, un peu sauvage et végétal, exhalant des notes de cassis, de mine de crayon, de réglisse puissante. Serré, corseté, il peut s’enorgueillir de ce tremplin tannique viable et d’une réelle franchise de fruit pour viser un déploiement très satisfaisant dans quelques années.
19. Les Pagodes de Cos d’Estournel – Saint-Estèphe 2004
45 % Cabernet Sauvignon/55% Merlot
Le soir (vin non goûté l’après-midi) : DS14 – PC14 – LG(14) – MS13. Note moyenne SOIR : 13,8
Attention : le vin n’a pas le bénéfice de l’aération. Il est ainsi dévalorisé par pas mal de réduction, paraissant calfeutré, minéral, poivré. Bouche compacte, avec une belle tenue mais de la dureté, maussade qui ne s’époussettera pas suffisamment sur 2 heures de temps.
20. Château Giscours – Margaux 3ème Grand Cru Classé 2004
66 % Cabernet Sauvignon/ 32% Merlot/ 5% Cabernet Franc/ 2% Petit Verdot – 13°
L’après-midi : DS15,5+ – PR15 – CD15,5 – BLG15. Note moyenne AM : 15,3
Le soir : DS15,5/16 – PC16 – LG15,5 – MS15,5. Note moyenne SOIR : 15,9
Nez loquace, solaire, au fruit affable, agrémenté de belles senteurs de cannelle. Bouche soyeuse, riche, avec du fond. En attente, elle reste encore un peu impersonnelle.
21. Château Malescot-Saint-Exupéry – Margaux 3ème Grand Cru Classé 2004
50 % Cabernet Sauvignon/ 35% Merlot/ 10% Cabernet Franc/ 5% Petit Verdot – 13,5°
L’après-midi : DS15,5 – PR14,5 – CD16 – BLG15. Note moyenne AM : 15,3
Le soir : DS15 – PC15 – LG16,5 – MS15. Note moyenne SOIR : 15,4
Boisé précis mais marqué, cassis, minéral, réglisse. Grande présence en bouche, acidité au cordeau, astringence garante de longévité. Un vin restant fin, encore rétif, en tension, durable, taillé pour l’aventure.
22. La Mondotte – Saint-Emilion 2004
75% Merlot/ 25% Cabernet Franc – 14°
L’après-midi : DS16,5 – PR16,5 – CD16,5 – BLG16. Note moyenne AM : 16,4
Le soir : DS16,5 – PC15,5/16 – LG(15) – MS15,5. Note moyenne SOIR : 15,7
Nez de déménageur, très singulier, proche de celui d’un vin doux naturel : bois, kirsch. Bouche en vraie puissance (presque brutale), très macérée, astringente, fougueuse. Peu compréhensible en l’état, manquant cruellement d’élégance, fort acide. Le temps sera seul juge de paix (souvenir d’une remarquable La Mondotte 1997 – 17,5/20 en février 2006). Faisons confiance à Stéphane Derenoncourt pour cette option de style sans concession, qui enrichit la palette d’expression des vins de Bordeaux.
23. Château Canon-La-Gaffelière – Saint-Emilion 1er Grand Cru Classé B 2004
55% Merlot/ 40% Cabernet Franc/ 5 % Cabernet Sauvignon – 13,5°
L’après-midi : DS14 – PR14 – CD14 – BLG13. Note moyenne AM : 13,8
Le soir : DS15 – PC14,5 – LG15,5 – MS14,5. Note moyenne SOIR :14,9
Nez animal, avec du cassis et beaucoup de réglisse. Bouche concentrée mais en même temps plutôt coulante. Tannins de qualité et légère sensation sucrée (comme dans le cas de Monbousquet).
24. Château Grand-Puy-Lacoste – Pauillac 5ème Grand Cru Classé 2004
70 % Cabernet Sauvignon/ 25% Merlot/ 5% Cabernet Franc – 13°
L’après-midi : DS14 – PR13,5 – CD14,5 – BLG13. Note moyenne AM : 13,8
Le soir : DS15,5 – PC15,5/16 – LG16 – MS16. Note moyenne SOIR : 15,8
Olfaction sur le cassis, le graphite, la réglisse, dans une belle austérité fruitée. En bouche, on sent la force d’un vin très dynamique tendu, qui tire, qui désaltère aussi.
Conclusion de l’après-midi pour cette 2ème approche
Comme pour la première partie de dégustation réalisée un mois plus tôt, la plupart des vins affichent des maturités que nous n’avions pas imaginées aussi poussées.
C’est évidemment une très bonne surprise, d’autant plus qu’hormis quelques sensations très ponctuelles, rien ne sombre dans la caricature.
Ceci dit, ces maturités sont parfois trompeuses, aiguillant le dégustateur vers des expressions de Merlot plutôt que de Cabernet, mettant à mal les typicités des appellations.
Le boisé s’est par contre davantage affirmé dans cette seconde série.
S’il n’a rien d’anormal pour des vins si jeunes, il est quand même bon de rappeler que la première partie nous avait davantage préservés de ces expressions.
Mais la leçon que nous pensons la plus essentielle à tirer de cette seconde dégustation est la versatilité de nos impressions.
A la lecture de nos écrits, on peut légitimement se demander où se trouve la pertinence, car la liste de nos contradictions est longue : Pape Clément et Les Grands Chênes qui changent radicalement d’un jour à l’autre, Barton, voire La Conseillante, qui s’écroulent en 5 heures d’intervalle, Lynch-Bages, Saint-Pierre et Chevalier peu flatteurs avec l’aération, Grand-Puy-Lacoste, Gruaud-Larose, Mission, Pavie-Macquin, Monbousquet profondément modifiés par l’oxygène…
A en perdre son latin !
Plusieurs explications envisageables :
Conclusion du soir pour cette 2ème salve
Des vins de nouveau assez chargés en alcool, avec une souplesse évoquant souvent la rive droite.
Des styles variés : on est bien à Bordeaux, mais d’un manière pas si uniforme que craint.
Pour des raisons de coût, nous n’avons pas aligné les 1ers crus classés : relativement passés a la trappe lors de la session du GJE, il faudra les revoir dans 10 ans …
Il est bien entendu plus difficile de se sentir cohérent (entre l’après-midi et le soir, entre des dégustations réparties dans l’année) sur ce genre de série que sur celle des Rugiens de la maison de Montille (en verticale 2005/1988). Il faut de fait accorder du crédit à l’évidence de style et à la stabilité de ces vins de Pommard et ne pas oublier que ces Bordeaux 2004 sont jeunes et marqués par l’élevage.
La complexité de l’analyse du vin impose ici de manière encore plus impitoyable ses (heureuses) contingences (l’observateur, l’observation, l’interaction subtile entre ces 2 entités). Il en va en particulier (en termes de dimensions de complexité) :