2007_10_05 Sauternes 97
Club toulousain In Vino Veritas
Horizontale Sauternes 1997
Vendredi 5 octobre 2007
Dégustation préparée par Didier Sanchez et commentée par Philippe Ricard pour l’après-midi et Pierre Citerne pour le soir.
Quelques commentaires de contexte :
La dégustation s’est déroulée en deux phases : l’après-midi à 14H15 puis le soir à 19H30.
Le compte rendu porte sur les deux séances.
Comme d’habitude certains vins ne se révèlent que le soir en raison de l’effet bénéfique d’une aération de 5h (dans la bouteille avec bouchon position verticale) tandis que d’autres se dégradent.
Les notes de Didier Sanchez (DS AM et DS SOIR) sont le reflet de ces variations.
Les vins sont dégustés à l’aveugle.
Les verres utilisés sont les «Expert» de Spiegelau.
DS : Didier Sanchez – PC : Pierre Citerne – LG : Laurent Gibet – PR : Philippe Ricard – MS : Miguel Sennoun – CD : Christian Declume.
Ordre de dégustation
(Nombre de dégustateurs : 12)
1. Château D’Arche 1997 :
DS AM16,5/17 – DS SOIR16 – PC15,5 – LG15 – PR16,5 – MS15 – CD16.
Note moyenne AM : 16,4 et SOIR : 15,4– Prix : 32 €
Sauternes. 90 % Sémillon-10% Sauvignon (14°)
L’après-midi :
- Robe assez épaisse, limpide, or aux reflets orangés et lumineux.
- Très joli nez, toujours frais, expressif et complexe, riche de cire, encaustique, orange amère, zeste, mirabelle. Rôti affirmé, plus un soupçon d’infusion. Fort appétissant !
- Bouche particulièrement aérienne, élégante, avec une fraîcheur réjouissante, signant un équilibre impeccable : le genre de liquoreux qui fait oublier son sucre… Aux premiers arômes s’ajoutent le citron vert, l’abricot, la mangue fraîche, la prune, le coing, bref, un joli panier de fruits ! Finale bien tenue, avec une fraîcheur qui ne faiblit pas (presque mentholée), complétant l’harmonie.
Le soir :
- Très belle robe solaire, visqueuse.
- Nez riche, « classique », évocation d’abricot confit et de crème brûlée, notes épicées un peu alanguies (cannelle…).
- Texture fine et expressive dès l’attaque, bonne liqueur, mais un certain manque d’allant, de fermeté pour véritablement captiver le palais ; saveur encore légèrement marquée par l’élevage (noix de coco grillée) et vivacité finale intéressante.
2. Château Coutet 1997 :
Prix : 42 €. Barsac. 75 % Sémillon-25% Sauvignon (14°)
Radicalement et profondément bouchonné : même le crachoir n’arrivera pas à se débarrasser de ce liège détestable !
3. Château Guiraud 1997 :
DS AM13 – DS SOIR14 – PC14 – LG14 – PR13 – MS14 – CD14.
Note moyenne AM : 13,3 et SOIR : 14– Prix : 35 €
Sauternes. 70 % Sémillon-30% Sauvignon (13,5°)
L’après-midi :
- Robe épaisse, limpide, or aux reflets orangés.
- Nez assis sur un boisé dominant, massif, contraignant le vin fortement. Complexité moyenne, odeur de champignon étonnante, quelques notes florales bien timides : rien de bien excitant !
- Bouche profondément monolithique, ennuyeuse, un peu pataude : matière emprisonnée dans un boisé indélicat, imposant ses arômes de café, de caramel plutôt que la mandarine, trop timide et bien esseulée. Finale virant quelque peu sur la vieille futaille, avec une rémanence limite liégeuse…
Est-ce un échantillon défectueux ?
A-t’on décelé quelques travers de pourriture grise ?
Le regoûter nous semblerait prudent…
Le soir :
- Robe évoluée, légère matité, reflets glauques…
- Nez ouvert, expressif, évoquant un vin passerillé… raisin de Corinthe, abricot sec, pêche jaune ; avec des inflexions épicées et balsamiques qui lorgnent vers un Vin de Constance ! Intéressant, atypique.
- Bouche décevante, liqueur plutôt modeste, vive et parfumée (même registre « passerillé » et balsamique qu’au nez) qui laisse ressortir une charge alcoolique encombrante ; finale fuyante.
4. Château Haut-Bergeron 1997 :
DS AM17,5 – DS SOIR16 – PC16 – LG15,5 – PR17,5 – MS16 – CD17.
Note moyenne AM : 17,3 et SOIR : 15,9– Prix : 22 €
Sauternes. 90 % Sémillon-5% Sauvignon (14,6°)
L’après-midi :
- Robe assez épaisse, limpide, or cuivré aux reflets presque ambrés, toujours lumineux.
- Splendide nez botrytisé, sur un rôti expressif, une belle palette de fruits confits, l’ananas, la prune, l’orange, le miel, des notes florales élégantes. Complexe, riche, explosif : ça pète !
- Bouche en grand écart subtilement maitrisé entre une sucrosité évidente et une acidité à la hauteur : toujours sur un fil, mais perception finale de fraîcheur aérienne étonnante… Très belle matière, riche, d’une complexité indéniable, délivrant sans retenue ses agrumes, zeste, mandarine, fruits exotiques, mangue, banane… Finale superbement persistante, fraîche, soulignée d’une amertume délicate.
Le plus étonnant est que cette matière, déjà fort généreuse, ne semble pas encore totalement se livrer.
Vraiment c’est un très beau vin !
Le soir :
- Robe dorée de belle intensité, reflets bronze olivâtre.
- Joli botrytis au nez, abricoté, ample et riche mais d’une netteté discutable, quelques relents iodés et organiques, tout à fait supportables.
- Forte liqueur, viscosité tapissant le palais, bonne structure acide, plénitude des saveurs : des qualités de générosité et de constitution qui parviennent à compenser un léger manque de finesse et de netteté.
5. Château Doisy Daëne 1997 :
DS AM14,5 – DS SOIR15,5 – PC16 – LG15 – PR13,5 – MS16 – CD14,5.
Note moyenne AM : 14,2 et SOIR : 15,6– Prix : 40 €
Barsac. 80 % Sémillon-20% Sauvignon (14°)
L’après-midi :
- Robe moyennement épaisse, relativement claire, jaune aux relfets fluos, quelque peu vert !
- Nez un peu à part dans ce début de série, timide, d’apparence fermée, avec quelques notes herbacées évoquant le sauvignon, une pointe florale, des agrumes frais.
- Attaque franchement sur le sucre, corps peu prolixe, laissant échapper quelques discrètes notes d’orange, de coing, de fleurs blanches, de gentiane. Finale déséquilibrée par un profil alcooleux, évoquant de nouveau les quelques notes herbacées révélées par le nez. Le tout manque d’harmonie, de fruit et bride sincèrement le plaisir…
Le soir :
- Des reflets verts qui laissent deviner la sveltesse du vin.
- Nez typé Barsac, fin, précis, élégant, avec plus de « végétalité » qu’à Sauternes : ananas, lait de coco, miel d’acacia…
- Bouche vive, saveur fruitée, moelleux discret, une sveltesse qui pourrait confiner à la sècheresse, à la rigidité, grande netteté aromatique et structurelle.
6. Château Doisy Daëne « Extravagant » (37,5 cl x 2) 1997 :
DS AM15 – DS SOIR17 – PC18 – LG18 – PR15 – MS17,5 – CD16.
Note moyenne AM : 15,3 et SOIR : 17,6– Prix : 330 € (165 € la 37,5 cl)
Barsac. 100% Sémillon (13°)
L’après-midi :
- Robe ambre à l’épaisseur langoureuse. Imposante !
- Nez d’une richesse superlative : raisin de corinthe, fruits confits, abricot sec, pâte de fruits, note d’infusion. Tout confère à la sensation de concentration olfactive, dans l’opulence, mais aussi la majesté !
- En bouche, on est d’entrée saisi par la richesse de matière colossale : extrême est le mot qui convient le mieux à un vin dont le nom est particulièrement bien adapté à l’impression sucrée qui s’en dégage ! Impression presque « too much » où le terme confit paraitrait même sous-estimer la réalité d’une expression quasi obséquieuse… La finale déstabilise davantage car le sucre ne semble plus autant significatif que la richesse hors norme de la matière, tapissant la bouche jusqu’à saturation des sens.
Vin résolument à part (identifiable immédiatement), proche d’un vin de glace ou un Tokay hongrois, sans forcément la même acidité.
Un sujet à controverse, sans aucun doute, auquel nous ne sommes pas particulièrement sensibles l’après-midi…
Le soir :
- Aspect sirupeux singularisant d’emblée ce vin aux 360 grammes de sucre résiduel, teinte vieil or, reflets bronze.
- Premier nez explosif, « autrichien », évoquant les énormes botrytis des environs de la Neusiedlersee… très éthéré, confiture d’abricot, champignon frais… Des nuances intéressantes apparaissent à l’aération, de plus en plus précises et individualisées : pralin, pistache, menthe poivrée, créosote, safran…
- Impression de sirop d’érable en bouche, extravagante certes mais sans que surviennent l’écoeurement ni la lassitude ; au contraire le vin affirme au fil des (petites) gorgées une réelle fraîcheur, une grande cohérence, une personnalité aromatique diverse et raffinée. On retrouve dans ce brillant exercice de style la même précision d’élaboration, la même netteté que dans la cuvée normale du château, mais en s’écartant franchement de la typologie classique des liquoreux sauternais, ─ vins « de table », de nourriture ─, pour pénétrer dans le monde des « vins objets », « vins de méditation », se rapprochant ainsi de l’esprit des cuvées extrêmes autrichiennes, hongroises, alsaciennes ou angevines.
7. Château Clos Haut-Peyraguey 1997 :
DS AM15 – DS SOIR15 – PC15 – LG14,5 – PR14,5 – MS14,5/15 – CD15.
Note moyenne AM : 14,8 et SOIR : 14,8– Prix : 38 €
Sauternes. 90 % Sémillon-10% Sauvignon (14°)
L’après-midi :
- Robe assez épaisse, limpide, jaune orangée avec des reflets or quasi fluos.
- Nez presque paralysé par la puissance d’arômes soufrés. Expression pauvre d’agrumes, avec tout de même une impression de fraîcheur.
- Bouche plus appréciable, quoiqu’encore un peu simple en l’état : frais (belle acidité), fin, élégant, bien équilibré, le vin se tient bien, mais pèche là aussi par un manque de complexité aromatique (mangue, goyave, agrumes frais). Finale longue et alerte, relevée d’une pointe d’amertume (zeste d’orange).
Ah, le soufre et les liquoreux !
Le soir :
- Belle robe dorée intense et lumineuse.
- Premier nez puissant, « classique », miel et crème brûlé, soupçon d’élevage grillé ; une certaine violence à l’aération, exacerbée par l’acidité volatile.
- Matière riche, chaleureuse, un peu lourde, avec des saveurs de guimauve et de caramel, peu de vivacité, une amertume marquée en finale. Un bon classique, remplissant le cahier des charges sans se montrer inspiré.
8. Château Rayne Vigneau 1997 :
DS AM15,5/16 – DS SOIR17 – PC17,5 – LG15,5 – PR14,5 – MS16 – CD15.
Note moyenne AM : 15,1 et SOIR : 16,6– Prix : 35 €
Sauternes : 80% Sémillon-20% Sauvignon (13°)
L’après-midi :
- Robe assez épaisse, limpide, d’un or soutenu, lumineux.
- Nez posé sur un registre assez large, riche, quelque peu alcooleux : fruité tout de même expressif, avec les agrumes, la mandarine, le coing, l’ananas.
- Bouche qui prolonge cette richesse olfactive par une démonstration presque opulente : matière épaisse, profil un peu lourdaud, légère dérive sur l’alcool au détriment de la fraîcheur. La complexité aromatique n’est pas non plus de la partie : tout juste se distinguent l’orange, les fruits confits, le quinquina. Finale chaleureuse, marquée par le marc de raisin, sans grande harmonie.
Le soir :
- Robe ample présentant une belle viscosité.
- Nez original, très expressif, finement nuancé : botrytis bien présent, champignon frais, cire, encaustique, notes terpéniques (miel de sapin ?) et épicées (curry).
- La liqueur se montre à la fois puissante et suave, il y a de la finesse et de la longueur, des saveurs prenantes et variées (fruitées, épicées, végétales, minérales…). Très séducteur, ouvert, intense tout étant souple et délié, ce vin connaît peut-être son apex alors que d’autres iront beaucoup plus loin dans le temps, mais que de bonne volonté à donner du plaisir !
9. Château Suduiraut 1997 :
DS AM14 – DS SOIR15,5 – PC(16) – LG15,5/16 – PR13,5 – MS16 – CD14.
Note moyenne AM : 13,8 et SOIR : 15,8– Prix : 39 €
Sauternes. 90 % Sémillon-10% Sauvignon (14°)
L’après-midi :
- Robe épaisse, limpide, d’un or vraiment lumineux, très séduisant.
- Nez qui divise un peu : bloqué par le soufre pour certains, contraint par le bois pour d’autres… Toujours est-il que la diversité n’est pas sa caractéristique la plus évidente : on reste relativement perplexe…
- Bouche à l’attaque assez alerte, sur la fraîcheur, l’amertume du zeste d’agrume, mais vite rattrappée par un sucre démonstratif, épais, déséquilibrant, prenant la mesure sur une modeste palette aromatique (sirop d’orange, abricot sec, pâte de coing). Finale assez brève, paralysée par un sucre persistant.
Le soir :
- Robe assez pâle, reflets verts.
- Le nez, très réduit, bloqué par le soufre, confirme l’impression visuelle ; les odeurs sont ingrates (ail, encaustique, gasoil, cacahuète grillée…) mais l’ensemble tend toutefois à s’épurer à l’aération.
- La liqueur se montre fine et persistante, avec une heureuse colonne vertébrale acide, une finale décidée et appliquée (fermeté due au soufre ?). Sans agrément en l’état, mais des qualités de constitution qui pourraient s’affirmer, l’appréciation ressortissant à l’optimisme de chacun…
10. Château d’Yquem (37,5 cl x 2) 1997 :
DS AM17,5/18 – DS SOIR17,5/18 – PC17,5/18 – LG17,5+ – PR18,5 – MS17,5+ – CD17,5.
Note moyenne AM : 18 et SOIR : 17,6+– Prix : 260 € (130 € la 37,5 cl)
Sauternes. 80 % Sémillon-20% Sauvignon (13,5°)
L’après-midi :
- Robe jeune, moyennement épaisse, assez claire, d’un or brillant, lumineux.
- Nez sublime, s’ouvrant progressivement : miel dominant aux premiers effluves, puis boisé élégant, notes de café, de fumé, enfin arômes d’épices, de fleurs avant un festival de fruits frais (noix de coco significative). Grande variété olfactive dans une fraîcheur évidente. Unanimité pour Yquem…
- Acidité qui saisit d’entrée, dans une attaque à la fraîcheur réjouissante. Matière à l’équilibre exemplaire, donnant une impression de finesse superlative : presque juteux, le vin se boit avec une facilité décomplexante pour qui fuit les excès liquoreux, le tout dans une sensualité délicieuse, une approche presque féminine… Expression explosive d’un registre aromatique complexe et sans cesse en révélation : orange, citron, mirabelle, fleurs, rôti délicat, fruits exotiques, notes safranées… Finale aérienne, tendue comme un arc, à la persistance imposante.
Le soir :
- Robe présente, vieil or, sans être particulièrement foncée.
- Nez très vanillé, riche et profond mais encore barré par son élevage (chêne frais plus que noix de coco).
- Yquem est rapidement reconnu par plusieurs dégustateurs ; l’assise, l’équilibre et la persistance de la matière lui permettent de se démarquer assez nettement des autres vins goûtés ce soir. Encore très fermé, presque martial, il évoque en bouche un long faisceau, lumineux et dynamique, d’où rien ne déborde. Une longue aération développe de sublimes saveurs de crème fraîche, qui confèrent à la finale magistralement longue, sereine et ferme une sensualité bienvenue. Un grand Yquem, d’une constitution et d’un caractère peut-être comparables à ceux du 1988.
11. Château Nairac 1997 :
DS AM17,5 – DS SOIR16 – PC15,5 – LG16 – PR16,5 – MS16 – CD16.
Note moyenne AM : 16,7 et SOIR : 15,9– Prix : 42 €
Barsac. 90 % Sémillon-6% Sauvignon (14°)
L’après-midi :
- Robe assez épaisse, limpide, singulièrement foncée avec sa couleur quasiment ambre, mais toujours lumineuse.
- La concentration de couleur trouve écho dans un nez confit, riche, dense, typiquement botrytisé, sur le coing, l’ananas, l’abricot, l’orange confite. Généreux, mais sans complaisance ni excès : c’est net !
- Si l’attaque fait craindre une sucrosité disproportionnée, l’acidité reprend vite le dessus pour jouer une partie d’équilibriste assez excitante. On pourrait craindre des excès de douceur, de concentration, mais c’est finalement la fraîcheur qui finit par s’imposer ! Belle palette aromatique, avec toujours un très joli rôti, une mandarine en verve, le kumquat, de beaux confits, de discrètes notes boisées (café, grillé), plus une légère sensation de Rhum. La finale affirme la justesse de cet équilibre étonnant, avec longueur et rémanence.
Très jolie prestation pour un positionnement délicat : succéder à Yquem n’est pas forcément un privilège…
Le soir :
- Robe foncée, ambrée ; elle évoque un vin plus âgé.
- Nez très riche, fortement botrytisé, grand rôti épicé sur fond de crème brûlée et même de baba au rhum.
- Bouche également très riche, très liquoreuse, heureusement équilibrée par une bonne vivacité. On peut admirer l’intensité et la flamboyance du vin, ou bien estimer que les notes botrytisées presque excessives (caractère pharmaceutique, viande fumée) prennent le pas sur l’harmonie d’ensemble et sur la finesse de l’expression de terroir, avec de surcroît une évolution (couleur, arômes…) prématurée.
12. Château Rieussec 1997 :
DS AM16 – DS SOIR17,5 – PC17+ – LG17+ – PR15,5 – MS17,5 – CD15,5.
Note moyenne AM : 15,7 et SOIR : 17,3– Prix : 58 €
Sauternes. 90 % Sémillon-9% Sauvignon (14°)
L’après-midi :
- Robe très épaisse, lumineuse, or aux reflets orangés.
- Nez à l’expression certes intense, mais plutôt simple, avec une dominante sur le caramel au lait qui laisse une maigre place au miel et autres fruits confits. Touche iodée cependant intéressante. Aurait-il quelque chose d’autre à nous dire ?
- La bouche est sur un registre assez monotone, encore engoncée dans un sucre pataud. Certes, on sent pointer une certaine élégance, une richesse indéniable, avec une palette aromatique sérieuse (étalage de fruits confits : orange, mandarine, pâte de coing), toujours ce caramel, mais la texture est en l’état un peu lourde, en plus contrariée par quelques notes alcooleuses (alcool d’orange, style cointreau). La finale ne parvient pas à redonner de la hauteur à l’ensemble, et si elle persiste longuement, ce n’est toujours pas dans la subtilité…
Le soir :
- Robe très sérieuse, profonde, dorée.
- Nez vivant, très botrytisé (mousseron), un peu lactique (confiture de lait), mais surtout porteur d’un fruité généreux et précis, bien dégagé de son élevage.
- Superbe liqueur, avec ce caractère légèrement lactique que l’on trouvait déjà au nez. L’équilibre entre la finesse et l’intensité se montre vraiment remarquable, tout comme le raffinement de la texture, rivalisant avec les plus jolis « taffetas » de Touraine. Un Rieussec vraiment élégant et séducteur.
13. Château Climens 1997 :
DS AM14 – DS SOIR14,5 – PC14 – LG(13) – PR12,5 – MS14 – CD14.
Note moyenne AM : 13,5 et SOIR : 13,9– Prix : 80 €
Barsac. 100% Sémillon (14°)
L’après-midi :
- Robe moyennement épaisse, limpide, d’un or particulièrement éclatant.
- Nez bien peu bavard : on frise l’extinction de voix ! Encore une vacherie du soufre qui bloque toute spontanéité ? Vague sensation iodée, de coquille d’huître, plus d’évidence sur le sucre, puis quelques notes herbacées peu séduisantes, une évocation de l’infusion de tilleul… Très moyen !
- Bouche plutôt dissociée, sans grande tenue, privée d’arômes, mais pas de sucre ni d’alcool (marc de raisin) ! Un gros coup de mou !
La découverte de la bouteille est la Grande déception de l’après-midi : les amateurs du cru en perdent leur latin…
L’idéal serait de regoûter.
Le soir :
- Robe moyennement dorée, plutôt légère dans le contexte de la dégustation.
- Nez avenant, propre, « gentillet », dominé par des notes d’ananas frais (on est bien à Barsac), souligné d’un petit côté lactique qui pourrait évoquer le lait caillé, le renvoi de bébé…
- Ça se gâte en bouche, l’expression aromatique semble moins nette, la liqueur flottante, l’ensemble manque de tenue et de cohérence, avec une composante alcoolique qui ressort beaucoup trop. L’échantillon ne semble pourtant pas présenter de défauts liés au conditionnement ou à la conservation ; si c’est une phase de repli que traverse ce vin superbement goûté plusieurs fois dans le passé, elle est sévère…
14. Château De Malle 1997 :
DS AM14,5 – DS SOIR13,5 – PC(12) – LG(13) – PR15,5 – MS13,5 – CD15.
Note moyenne AM : 15 et SOIR : 13– Prix : 33 €
Sauternes. 70 % Sémillon-27% Sauvignon (14,5°)
L’après-midi :
- Robe étonnante de clarté : avec ses reflets verts quelque peu fluos, ce jaune pourrait très bien signer un vieux Chardonnay !
- De nouveau un nez emprisonné par le soufre. On devine cependant plus franchement la grande maturité du fruit, tirant vers le confit, ainsi qu’une pointe d’alcool.
- Bouche de belle texture, assez fine, dotée d’une belle acidité, nécessaire pour équilibrer un sucre évident, mais jamais gênant : l’ensemble reste élégant et permet d’apprécier une variété aromatique certes mesurée, mais bien plaisante (prune, mirabelle, mangue, abricot). Finale persistante, mais rémanence sur le sucre et l’alcool, ce qui nuit à l’harmonie générale.
Le soir :
- Robe jaune vif, reflets verts.
- Nez soufré, herbacé (évocation variétale de sauvignon), ingrat.
- Bouche fermée, durcie, malgré une liqueur non négligeable, sans l’évolution positive à l’aération qui permettait à Suduiraut de convaincre les plus optimistes quant à son potentiel de développement futur.
15. Château La Tour Blanche 1997 :
DS AM15 – DS SOIR15 – PC15 – LG15 – PR15 – MS14,5 – CD15.
Note moyenne AM : 15 et SOIR : 14,9– Prix : 37 €
Sauternes. 83 % Sémillon-12% Sauvignon (13,5°)
L’après-midi :
- Robe assez épaisse, limpide, or lumineux.
- Nez initialement sur l’alcool (sensation d’éther), avec derrière une fruité quand même généreux : coing, mirabelle, pâte de fruit, ananas, raisin. L’ensemble est d’une complexité moyenne, mais assez plaisant.
- Bouche assez riche, présentant une jolie matière, bien tenue, exprimant sa palette de fruits confits, sa pâte de fruits, le coing, le raisin de corinthe, mais dans un style assez convenu. La finale reste modeste, concluant sur une note de marc de raisin.
Le soir :
- Belle robe aux profonds reflets bronze ─ topaze brûlée ?
- Nez intense, « piquant » (acidité volatile), roboratif : orange confite, caramel, sucre d’orge…
- Riche et puissant en bouche, comme les arômes volatils le laissaient supposer ; une certaine pesanteur, structurelle et aromatique, par rapport à d’autres vins plus « lâchés » ou plus enlevés, mais une bonne acidité qui ressort en finale et qui laisse espérer un affinement ultérieur de son expression.
Conclusion
(par Philippe pour la dégustation de l’après-midi)
De mémoire, 1997 a toujours été considéré comme un très beau Millésime à Sauternes.
10 ans plus tard, en tout cas à l’ouverture des bouteilles, notre constat est moins enthousiaste…
Ne boudons pas pour autant notre plaisir : 15,3 de moyenne confirme la qualité globale de cette dégustation.
Mais notre sentiment est un certain décalage avec la réputation de ces 97…
Certes, quelques bouteilles semblaient encore bloquées par un soufre perturbateur peu compatible avec une dégustation sans préparation, mais cela n’explique pas tout…
On peut aussi penser à une certaine immaturité de ces vins : beaucoup sont encore des bambins et la richesse de constitution de bien d’entre eux laisse augurer des vieux jours plus distingués, plus raffinés, plus expressifs.
Espérons-le, car en l’état, bien des Grands de Sauternes ne semblaient pas tout à fait à leur place, au point qu’hormis Yquem, au dessus du lot l’après-midi, ce sont les moins renommés qui trustent les premières places : Haut-Bergeron (très beau rapport qualité-prix), Nairac et D’Arche !
Point commun de beaucoup de ces vins : une belle acidité.
En effet, peu d’entre eux se sont laissés piéger par les excès du sucre : l’équilibre semble être la caractéristique de ces 97, si bien que l’identification des Barsac (habituellement plus frais), n’a pas été aussi évidente que prévue.
En tout cas pas pour tout le monde !
Conclusion
(par Pierre pour la dégustation du soir)
La dégustation de ce soir a permis de faire le point sur ce millésime rapidement présenté comme « grand », dans le contexte d’une décennie qui a enchaîné les années difficiles (1991, 1992, 1993, 1994 et même 1995). Malgré un certain manque d’homogénéité, l’image de vins riches, généreux, fortement botrytisés a été confirmée. Par ailleurs le manque de tension acide, de vivacité, dont le millésime se voit de plus en plus souvent accusé (dans le Sauternais même) ne s’est pas montré flagrant, du moins dans les meilleurs échantillons. Une comparaison systématique avec les vins de 1996, réputés plus incisifs mais moins généreusement dotés, éclairerait certainement notre lanterne.
Nous avons rencontré une majorité de bons ou de très bons vins, « classiques », pleins, richement liquoreux mais parfois trop discrets, manquant de verve et/ou de génie, ou revêches, trop statiques, mal lunés. Deux grandes réussites méritent à mon sens d’être signalées, elles ont peut-être bénéficié d’une « fenêtre » de dégustation particulièrement propice : Rayne Vigneau et Rieussec. Lors de la première séance de dégustation, la « fenêtre de tir » semble avoir été favorable à d’Arche et Haut-Bergeron, qui sont ensuite rentrés dans le rang. Évolution interne des vins au contact de l’air ou affinités électives entre eux et les deux différents groupes de dégustateurs ?…
Yquem et l’Extravagant de Doisy-Daëne sont à part, c’est entendu, dominant la dégustation avec des styles et des intentions diamétralement opposés.
Seuls deux vins sont apparus bloqués par le soufre, désagréables en l’état ; ce n’est pas si mal, il y a progrès par rapport aux années 80. Restent les cas de Nairac et Guiraud, leur évolution trop précoce (à l’inverse trop peu protégés par le soufre ?), même si Nairac possède un fond remarquable (on peut s’interroger sur le devenir de l’éblouissant 2003 du domaine), et le mystère Climens… le 1997 ayant été goûté plusieurs fois dans le cadre du club à un tout autre niveau.