Vertigineuse verticale du Château Leoville Las Cases à Saint Julien. Le compte rendu est disponible sur le lien suivant :
Trois verticales du château Léoville Las Cases 2ème cru classé de Saint-Julien : Millésimes 2001-1945.
Le vendredi 28 janvier 2005 : de 2001-1992.
Dégustation préparée par Didier Sanchez et commentée par Miguel Sennoun.
Quelques commentaires de contexte :
Les vins ne sont pas dégustés à l’aveugle.
Nombre de dégustateurs : 17
DS : Didier Sanchez – MS : Miguel Sennoun.
Les vins :
1. Léoville Las Cases 2001 :
DS17 – MS17. Note moyenne du groupe : 16,5 – Prix : 45 €
La robe est très belle, brillante, profonde et sombre.
Nez épicé mais encore fermé et sur la réserve. Il ne présente pas les notes de goudron et de fumée qu’on retrouvera sur d’autres millésimes, mais laisse présager un grand vin en devenir.
En bouche, une explosion de fruits rouges murs sur un très beau volume. Superbe longueur et finale qui laisse percevoir des tanins extrêmement fins.
Une acidité qui se ferait peut être légèrement trop discrète s’il fallait lui trouver un défaut, mais il est vraiment bon aujourd’hui et sera encore bien meilleur demain. Une grande réussite dans le contexte du millésime.
2. Léoville Las Cases 2000 :
DS18/18,5 – MS19. Note moyenne du groupe : 18 – Prix : 145 €
Robe d’une encre violacée.
Nez explosif, en puissance traduisant une maturité exceptionnelle. Des notes de café et de cassis sont relevées de même que quelques marques de l’élevage, trahies par des notes vanillées. Lui aussi est encore fermé et livre peu sa complexité mais nous avons une grande confiance pour son avenir compte tenu de la concentration du vin.
Longueur et volume exceptionnels en bouche, structure sans défauts. Un équilibre parfait et une fraîcheur inouïe. Les tanins sont soyeux et d’une finesse rare, le boisé étant parfaitement intégré.
Ce vin fait vraiment figure d’extra-terrestre. Tellement différent des autres millésimes, il est parfait aujourd’hui et ne donne pas l’impression de pouvoir un jour connaître une phase de fermeture. C’est un mélange de 1990 pour la gourmandise, la maturité et la concentration et de 1996 pour la fraîcheur et la tension. La réputation du millésime 2000 n’est pas surfaite !
3. Léoville Las Cases 1999 :
DS15,5 – MS14,5. Note moyenne du groupe : 15,5 – Prix : 61 €
La robe est sombre.
Nez assez puissant sur des arômes primaires et légèrement marqués par un côté végétal, ce premier nez masque une jolie touche de réglisse et de goudron.
La bouche n’est pas d’une grande longueur, il est assez gourmand maintenant malgré la légère amertume/verdeur qui hante sa finale. Manquant de fond et de profondeur, il semble avoir été récolté en sous maturité.
1999 ne semble pas être la grande réussite du château relativement aux autres millésimes dégustés ce soir, il semble moins mur que le 1997 et n’est peut-être pas destiné à vieillir plusieurs décennies. Compte tenu du pedigree, nous sommes déçus.
4. Léoville Las Cases 1998 :
DS17/17,5 – MS16. Note moyenne du groupe : 16,5 – Prix : 68 €
Robe sombre et brillante le vin semble épais et riche en glycérol.
Au nez on retrouve des notes de goudron et de fumée, se livrant peu mais étant tout de même un peu plus expressif que le 97. Des notes de café sont aussi repérées.
La bouche est élégante et juteuse, mais tout de même assez classique par sa tension. Très belle acidité et tanins très fins. La finale est longue et on peut y retrouver les parfums suggérés par le nez. Très légère dureté dans le milieu de bouche qui signe le millésime 98.
Beau vin sur la finesse et le classicisme qui vieillira bien. Un style assez proche des Pauillac sans avoir cependant la puissance des plus grands.
5. Léoville Las Cases 1997 :
DS16 – MS15. Note moyenne du groupe : 15,5 – Prix : 70 €
Robe qui commence à évoluer, un peu mate et terne.
Nez tout d’abord peu complexe et un peu massif, arômes de goudron et de tabac qui restent dans le verre même après l’avoir vidé. Il s’ouvre à la fin de la soirée après s’être réchauffé et aéré.
La bouche est d’un volume moyen, très peu d’acidité mais les tanins sont d’une très belle qualité bien qu’ils conduisent à une finale un peu amère.
Aux premiers abords ce 1997 ne livre pas encore de plaisir immédiat et semble trop jeune. Il a un côté un peu monolithique et l’austérité des vins trop jeunes. Il prouve cependant qu’il pourra devenir meilleur en dévoilant un très beau vin en fin de dégustation, d’une grande gourmandise et d’une classe folle. Une très belle réussite dans le contexte de ce millésime 1997 qui a accouché de vins plutôt tendres et de petite garde.
6. Léoville Las Cases 1996 :
DS18,5/19 – MS19. Note moyenne du groupe : 18,5 – Prix : 115 €
Robe très jeune et presque noire, opaque, profonde.
Nez superlatif de cassis, cèdre, épices, tabac blond et de cuir avec des touches de graphite. Complexité absolue. Et ce n’est que le début !
Bouche fruitée, intense, pleine avec des notes d’orange. Fraîcheur, puissance, volume et longueur folle. Un vrai monument car la présence en bouche est rare.
L’équilibre et la grande classe se combinent dans ce vin qui n’est qu’au début de sa très longue carrière. Exceptionnel sur un style résolument différent du 2000.
7. Léoville Las Cases 1995 :
DS17,5+ – MS18,5. Note moyenne du groupe : 17,5+ – Prix : 95 €
La robe est jeune et brillante, sombre.
Nez envoûtant sur des notes de mûres et de fruits noirs. Le tabac et le goudron sont aussi présents. Belle complexité, un poil moins puissant que le 1996. Peut-être encore quelques marques du bois mais tendant à disparaître.
En bouche on retrouve toujours une superbe matière, pleine, puissante et très complexe. Un peu toastée et grillée. Longueur impressionnante.
Encore une très belle réussite, ce 1995 est racé et corsé. Un très grand vin qui devra encore digérer son élevage mais déjà plus qu’agréable à boire.
8. Léoville Las Cases 1994 :
DS16,5 – MS16,5. Note moyenne du groupe : 16,5/17 – Prix : 56 €
La robe laisse apparaître quelques traces d’évolution.
Le nez est étroit, sur des notes d’herbes sèches et de paille. Un côté mentholé lui apporte une touche de fraîcheur. Donne l’impression d’une très forte proportion de cabernets sauvignon en limite de maturité.
Attaque de bouche mure et ronde. Belle fraîcheur. Assez longue et sans creux. Les tanins sont assez discrets et ne sèchent pas.
Le 1994 n’a pas le gras et la maturité parfaite des grands millésimes, mais il est tout de même une grande réussite pour l’année. A boire dés à présent et pendant quelques années encore.
9. Léoville Las Cases 1993 :
DS15,5 – MS15,5. Note moyenne du groupe : 15,5/16 – Prix : 55 €
La robe présente des bords évolués mais sombre au centre.
Au nez des notes de cèdre, de réglisse et de tabac avec une touche de fraîcheur mentholée. Un nez qui se livre.
Bouche soyeuse malgré la présence de tanins un peu moins fin que d’habitude. Côté légèrement végétal du cabernet pas assez mur mais jolie finale corsée.
Il semble à son apogée aujourd’hui, et paraît surmonter avec panache les défauts inhérents au millésime.
10. Léoville Las Cases 1992 :
DS15,5 -MS14. Note moyenne du groupe : 15,5 – Prix : 39 €
Robe grenat sombre, tendance à l’évolution.
Nez de poivrons, acceptable pour certains, marais salants et vieux coquillage rédhibitoire pour d’autres, il partage un peu l’assemblée. Il a tout de même un côté viandé et assez peu plaisant.
En bouche bel équilibre et inattendue finesse, il offre une longueur plus que correcte. Sa structure acide lui retire la lourdeur qu’auraient pu apporter les touches chaudes et alcooleuses que l’on ressent. Les tanins sont peu nombreux mais légèrement rêches.
Vin qui semble avoir dépassé son apogée et être sur le déclin. Sa bouche est somme toute une très bonne surprise et lui apporte une note correcte malgré ses défauts.
Conclusion :
L’ordre des vins commentés a volontairement été replacé chronologiquement dans un souci de simplicité pour la lecture. L’ordre réel (bien choisi) lors de la dégustation était :
1997, 1998, 1999, 2001, 2000 pour une série vins « jeunes ».
1991, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996 pour une série vins « moins jeunes ».
Très belle dégustation qui nous a permis de suivre dans les millésimes « récents » un château qui talonne les premiers. Las Cases montre comment le terroir, le travail et la sélection – « le savoir-faire » aussi peut-être – permettent de ne pas faire mauvais malgré les aléas des millésimes.
Trompés par un contexte climatique exceptionnel à Toulouse (températures glaciales et neige), nous avons trouvé les vins très frais -pourtant servi à température classique pour des bordeaux-, et constaté qu’ils étaient bien plus expressifs en se réchauffant dans les verres.
A suivre le 11 février par les millésimes 1991 à 1979 et le 4 mars par les millésimes 1978 à 1945…
Le vendredi 11 février 2005 : de 1991 à 1979.
Quelques commentaires de contexte :
Nous continuons la dégustation entamée le 28 janvier 2005 par les millésimes 2001 à 1992.
Les vins ne sont pas dégustés à l’aveugle et sont servi dans l’ordre des millésimes.
Nombre de dégustateurs : Dix huit.
DS : Didier Sanchez – MS : Miguel Sennoun – PC : Pierre Citerne – JP : Jacques Prandi.
Ordre de dégustation :
1. Léoville Las Cases 1991 :
DS14,5 – MS14,5 – PC13,5 -JP14. Note moyenne du groupe : 14 – Prix : 53 €
Robe évoluée sur le disque.
Au nez, épices et réglisse se mêlent discrètement aux odeurs nobles de cèdre, cependant le bois de l’élevage est encore présent.
La bouche malheureusement ne suit pas. Elle pâtit d’un creux en milieu de bouche et d’une finale courte et trop sévère, limite asséchante, et exhibe une chaleur alcoolique gênante.
Ce vin semble avoir souffert d’un élevage un poil trop ambitieux face à une matière étriquée et verte. Toutefois, certains lui reconnaissent une qualité rétro olfactive de classe.
2. Léoville Las Cases 1990 :
DS16,5 – MS16 – PC16 – JP16. Note moyenne du groupe : 16 – Prix : 115 €
Robe qui présente une légère évolution sur les bords.
Le nez, assez puissant nous semble un peu diffus et peu précis. Il offre des notes de goudron et de fruits noirs, ainsi qu’un côté mentholé et frais.
En bouche, le fruit est frais et la chair est fine et soyeuse. Ce n’est pas un vin opulent mais la longueur est correcte. On lui reprochera quand même un manque de franchise de l’attaque et du milieu de bouche ainsi qu’un manque d’acidité.
Il parait encore fermé et pas idéalement structuré. Mais s’il n’a rien pour déplaire (aucune agressivité, aucune aspérité), il n’offre pas assez de plaisir et de magie pour être excellent. A attendre encore quelques années en espérant (sans trop y croire) une bonne surprise ? Une grosse déception dans le contexte du millésime et cela n’est pas la 1ére fois…
3. Léoville Las Cases 1989 :
DS17,5 – MS17,5/18 – PC17,5 – JP17,5. Note moyenne du groupe : 17,5 – Prix : 103 €
Robe grenat assez jeune.
Nez expressif et d’une précision remarquable. Une sensation de saveurs confites rappelle un pot de mélasse tandis que fumée et zan dominent l’ensemble.
Très belle attaque, et profondeur du fruit intense. La structure se tient du début à la fin, et bien que la longueur ne soit pas exceptionnelle le plaisir procuré et la gourmandise sont énormes.
Le 89 présente une structure et une précision des arômes supérieures au 90. La matière est bien mature. Il a encore beaucoup de potentiel et semble très jeune.
4. Léoville Las Cases 1988 :
DS18 – MS18 – PC18- JP18. Note moyenne du groupe : 17 – Prix : 80 €
Robe jeune
Superbe nez sur le tabac, le lard fumé et les cendres. Noblesse et précision aromatiques sont impressionnantes.
La bouche est constante et extrêmement longue. Elle est juteuse et le volume est énorme. Les tannins sont encore présents, d’excellente qualité et réclament encore du temps pour se fondre. Mais quelle classe et quel beau toucher de bouche !
Moins charmeur que les 89 et 90 de par ses tannins encore jeunes, la qualité du vin est évidente et son avenir radieux. A attendre. Un vin très typé Médoc.
5. Léoville Las Cases 1987 :
DS15,5 – MS15 – PC15/15,5. Note moyenne du groupe : 15 – Prix : 57 €
Robe légèrement évoluée.
Beau nez sur le cèdre et le tabac, très encourageant pour le millésime. Quelques touches de poivre et du caoutchouc se font aussi sentir. Ce nez laisse l’impression d’une vendange de belle maturité.
La bouche est souple et un poil trop acide en rapport à la matière. La finale est courte le jus manque de fruit. Les tannins sont imperceptibles.
La discrétion des tannins en fait un vin facile, et la bouche fluette trahit des signes de dilution. C’est toutefois une bonne surprise pour le millésime.
6. Léoville Las Cases 1986 :
DS18,5/19 – MS18,5 – PC18,5 – JP18,5. Note moyenne du groupe : 18 – Prix : 120 €
Robe très jeune.
On passe un cap quant à la noblesse des arômes. Le nez est tout bonnement d’une précision diabolique. Encre de chine, menthe et fond légèrement poivré, sa puissance et sa minéralité le rendent époustouflant.
La bouche est d’un équilibre optimum et la fraîcheur est incroyable, tandis que les tannins se font habilement oublier.
Très bel exercice que ce 86. Sa bouche est un peu moins puissante que le 88 mais si soyeuse et équilibrée qu’il fait l’unanimité. Un vin proche du 96 dans l’esprit. Il donne l’impression de planer, d’être en apesanteur dans la bouche, sensation très rare…
7. Léoville Las Cases 1985 :
DS17 – MS16,5/17 – PC16 – JP16,5. Note moyenne du groupe : 17 – Prix : 85 €
La robe est la plus jeune de la dégustation.
Nez enrobé de pâtisserie avec des notes de fruits rouges. On y sent encore un peu de bois.
Bouche toute en rondeur, un brin corsée et poivrée. Plutôt discrète après ses prédécesseurs elle donne tout de même l’impression d’un vin bien fait.
Vin plutôt agréable et bien fait qui manque cependant d’émotion. Il soufre sans doute de son passage après une si belle série.
8. Léoville Las Cases 1983 :
DS14,5 – MS15,5 – PC15 – JP14,5. Note moyenne du groupe : 15 – Prix : 45 €
Robe un peu tuilée et pas très nette.
Le nez semble fuyant et fragile à l’aération et l’expression des arômes n’est pas très flatteuse. Il dévoile des notes de café, de cuir et de sauce soja, sur un fond mentholé.
La bouche manque un peu de chair, mais les tannins sont fondus et soyeux.
C’est le premier vin de la verticale à tendre vers des arômes tertiaires. Son goût est agréable, mais la matière trop légère.
9. Léoville Las Cases 1982 :
DS15,5/16? – MS17.5 – PC16 – JP17. Note moyenne du groupe : 16,5 – Prix : 210 €
Niveau : bas goulot.
Robe légèrement évoluée mais encore sombre.
1ér nez « liégeux » ou assimilé qui disparaît rapidement. Puis, nez puissant et dominateur d’encre et de lard fumé avec un fruit presque compoté.
En bouche la matière est ample et très longue. Chocolat noir et mûre ressortent sur une finale corsée avec une belle trame acide. La bouche est cependant un peu chaude et il y a un petit manque de cohérence de la structure par rapport à la matière.
Un vin qui partage beaucoup les dégustateurs qui n’apprécient pas tous son caractère un peu franc. Certains le trouvent simple, pauvre en arômes de bouche, donc encore une deuxième déception dans le contexte du millésime.
10. Léoville Las Cases 1981 :
DS16 – MS17 – PC17 – JP16,5. Note moyenne du groupe : 16 – Prix : 51 €
Niveau : bas goulot.
Robe tendant vers le tuilé
Parfums tertiaires viandés et sur les champignons
La bouche a beaucoup d’élégance et de classe. Elle est juteuse et légèrement acidulée. Les tannins sont parfaitement fondus et le fruit est en dentelle.
Beaucoup plus de classe que le 83, ce vin est une belle réussite. Il est parfait aujourd’hui.
11. Léoville Las Cases 1980 :
DS13,5 – MS12,5 – PC12. Note moyenne du groupe : 13,5 – Prix : 67 €
Robe évoluée.
Le nez est d’abord sur le tabac et la fumée. Il a un côté un peu confituré et lourd et évolue malheureusement vers des notes poussiéreuses.
L’acidité en bouche est très présente mais dissociée, particulièrement sur l’attaque. Elle finit par retomber en même temps que les aromes dès le milieu de bouche, laissant place à une finale étriquée et courte.
Dissocié et dépouillé de son fruit, il est passé.
12. Léoville Las Cases 1979 :
DS13 – MS13,5 – PC13,5 – JP13. Note moyenne du groupe : 13,5 – Prix : 60 €
Robe sombre et peu évoluée.
Le nez s’étend sur des parfums terreux et d’humus.
La bouche est fatiguée et appuie le côté terreux. Elle est un peu dissociée.
Le vin est sur le déclin. A finir… il y a quelques années.
Conclusion :
Dégustation de vins qui commencent à être à maturité. Le bois est dans la plupart des cas fondu et parfaitement intégré (sauf 91 et 85). Certaines années exhibent des tannins, d’une très belle qualité, mais qui pourraient encore se fondre.
Difficile de conclure quant au niveau moyen des vins cependant il y a fort à parier qu’un millésime comme 90 ne pourrait plus être décevant avec la tenue actuelle du domaine. Et si cette décennie a eu son lot de grands vins, aucun n’est arrivé au niveau de l’excellence du 96.
Les proportions des cépages constituant chaque millésime auraient peut-être pu nous permettre de tirer quelques conclusions supplémentaires non dénuées d’intérêt, mais le domaine semble malheureusement vouloir garder le secret malgré nos demandes réitérées.
Globalement, le niveau moyen de cette 2éme verticale est inférieur à la 1ére sur les vins plus récents. Les vins semblent moins bien faits, plus approximatifs et légèrement moins aboutis. Quelles conclusions en tirer ?
Nous savons qu’à partir années 90, le prix de vente doublant voire triplant, le choix de la quantité de vin dans la 2éme étiquette est devenu moins douloureux pour les propriétaires…
Les progrès œnologiques, le choix des dates de vendanges, les vendanges vertes, une meilleure sélection, etc…
Il nous reste maintenant à nous plonger dans les abîmes du passé afin de savoir si les vieux millésimes, dans les années exceptionnelles de bordeaux tiennent la route et la distance. Ce sera chose faite le vendredi 4 mars lorsque nous nous immergerons dans les années 70, 60, 50 et 40.
Le vendredi 04 mars 2005 : de 1978 à 1945.
Quelques commentaires de contexte :
Les vins ne sont pas dégustés à l’aveugle et sont servi dans l’ordre des millésimes.
Tous les bouchons portent la mention : Château Marquis de Las Cases Léoville Médoc Appellation Saint Julien contrôlé. Mis en bouteille au château. Sauf pour le 55 qui est une mise négoce.
Les vins proviennent tous de ventes aux enchères (Idealwine et ebay). Ils sont en cave depuis + de 3 mois et ont été mis debout depuis 15 jours. Ils sont décantés en carafe juste au moment du service.
Nombre de dégustateurs : Dix-sept.
DS : Didier Sanchez – MS : Miguel Sennoun – PC : Pierre Citerne.
Ordre de dégustation :
1. Léoville Las Cases 1978 :
DS16/15,5 – MS16 – PC15,5/16. Note moyenne du groupe : 15 – Prix : 110 €
Robe encore jolie et qui ne fait pas son age.
Au nez un fruité assez flatteur (cerises, cassis) est accompagné de touches fumées limite brûlées. La complexité contraste avec les deux premiers vins de la série.
La bouche est serrée dans un style Pauillac. Une pincée d’amertume sur la finale en fait un vin assez difficile pour une partie du groupe, tandis que les autres lui reprochent un manque d’éclat sur la deuxième moitié de bouche.
Ce 78 semble être un rescapé des premières séries. Il fait très jeune mais ne nous donne pourtant pas l’impression de pouvoir s’améliorer en vieillissant plus.
2. Léoville Las Cases 1975 :
DS16,5/17 – MS17,5 – PC17,5. Note moyenne du groupe : 17 – Prix : 93 €
Robe encore bien sombre.
Très beau nez racé et éclatant sur des notes de camphre, de menthol, de pansement et d’anis.
Bouche d’une belle profondeur, mure et juteuse. Tannins parfaitement intégrés. La matière, l’équilibre et la race sont au rendez vous. A l’instar du 78 il est très typé Pauillac; il présente cependant une matière bien plus séveuse et concentrée.
Très beau style pour ce 75 qui atteint son apogée mais qui a encore une longue carrière devant lui.
3. Léoville Las Cases 1970 :
DS15,5 – MS14,5 – PC13. Note moyenne du groupe : 15,5 – Prix : 88,50 €
Niveau : Bas-goulot/Haute épaule. Bouchon très sec et qui pue.
Robe bien conservée et encore sombre
Nez typique pour Las Cases sur le tabac, la fumée, et le menthol. Aucune évolution vers des notes tertiaires, mais présence discrète d’acidité volatile.
Belle longueur pour la bouche qui semble perdre son fruit (mandarine). L’acidité diverge un peu, cependant certains lui trouvent un côté vieil Hermitage et apprécient le style.
Le vin décline doucement et commence à se dissocier. A boire.
4. Léoville Las Cases 1966 :
DS17,5 – MS17,5 – PC17. Note moyenne du groupe : 17 – Prix : 127 €
Robe évoluée
Nez qui distille une impression de jeunesse. Café, suie, camphre et beaucoup de fraîcheur.
En bouche, maturité et équilibre rivalisent et donnent à ce vin un caractère aérien sur des notes de framboise. Complexe et gourmande, la matière manque cependant d’un rien de punch et d’acidité.
Beau vin classique à maturité avec une belle présence sur une matière très aérienne.
5. Léoville Las Cases 1962 :
DS17,5/18 – MS18 – PC17. Note moyenne du groupe : 17,5 – Prix : 95 €
Niveau : Haute épaule/bas goulot. Bouchon parfait.
Robe rubis translucide.
Un premier nez un rien tertiaire, qui évolue après aération sur de belles nuances de fumée et de cèdre. Les arômes acquièrent une profondeur remarquable.
Une bouche bien vivante sur un équilibre exceptionnel. L’acidité est parfaitement dosée. Les parfums rappellent l’orange.
Il a la finesse, le charme et la complexité d’un vieux grenache. Atypique mais excellent.
6. Léoville Las Cases 1961 :
DS15/14,5 – MS15,5 – PC14,5/15. Note moyenne du groupe : 15 – Prix : 162.50 €
Niveau : Haute épaule/bas goulot. Bouchon parfait.
Robe assez sombre pour l’age du vin. Beau dégradé sur le disque.
Le nez très concentré exhale le viandox et des parfums empyreumatiques. Il fait penser à un Porto.
Attaque un peu légère mais grosse présence en bouche. La matière, semble néanmoins avoir souffert d’un excès de maturité et laisse à quelques dégustateurs une impression controversée de sucrosité. La finale est un rien corsée et l’alcool est gênant.
Une déception dans le contexte du millésime, on attendait mieux.
7. Léoville Las Cases 1959 :
DS18,5/19 – MS19 – PC19. Note moyenne du groupe : 18 – Prix : 195 €
Niveau : haute épaule/bas goulot. Bouchon parfait.
Robe encore bien sombre et très belle.
Nez énorme qui combine tous les éléments d’un grand vin : complexité, beauté des arômes, race. Il est si présent qu’on en mesure toute la beauté avant même d’avoir mis son nez dans le verre.
Bouche sublime de fraîcheur et de race qui rappelle le 66 avec une matière plus posée. La gourmandise de ce vin, qui parait encore si jeune, fait l’unanimité.
La magie de croiser un grand vin à maturité est une expérience rare. Une très bonne surprise.
8. Léoville Las Cases 1955 (Mise Barrière) :
(Echantillon défectueux) – Prix : 130 €
Niveau : Haute épaule. Bouchon complètement désintégré car imprégné.
Dès le premier nez le vin offre une sensation désagréable et vinaigrée. La bouche madérisée confirme la mort de cet échantillon.
9. Léoville Las Cases 1947 :
DS14 – MS16 – PC15. Note moyenne du groupe : 14 – Prix : 212 €
Niveau : Haute épaule. Bouchon parfait.
Robe peu évoluée. Etonnante.
Derrière un vieux meuble en bois qui embaume la cire et l’encaustique se dissimule un fruité d’une belle présence.
Bouche fraîche, quoique légèrement métallique, sur une matière assez dense. La finale se révèle toutefois un peu trop austère et soufre d’une forte acidité volatile typique du millésime.
Le poids des années commence à faire son effet et le vin évolue rapidement dans le verre.
10. Léoville Las Cases 1945 :
DS16 – MS17,5 – PC16. Note moyenne du groupe : 16 – Prix : 280 €
Niveau : haute épaule/bas goulot. Bouchon imprégné jusqu’en haut mais tenu correcte.
Robe tuilée concentrée.
A l’instar du 61, le nez évoque une matière très mure presque typée Porto, mais la complexité est plus intéressante et les arômes plus purs.
Le point d’équilibre nous semble atypique, voire marginal en rapport aux autres millésimes dégustés. La sucrosité est assez importante mais l’alcool est imperceptible. La matière offre un volume imposant, avec les arômes typés Porto pressentis en reniflant nos verres.
Beaucoup de similitude avec le 61, mais plus précis et moins alcooleux.
Conclusion :
Dégustation globalement de haut niveau.
Un bel échantillonnage des grands millésimes d’après guerre s’offre à nous, et ce dans des mises château (mis à part le 55 qui s’est révélé être la seule bouteille défectueuse).
Difficile d’évaluer l’évolution qualitative d’un domaine, même sur une verticale aussi bien achalandée… aurons-nous un jour (enfin, nos enfants…) l’occasion de déguster les grands millésimes récents (96, 2000) avec un tel écart de 60 ans ? Seront-ils encore vivants ?