Belle dégustation à l’aveugle de Beaujolais sur les millésimes 1999 et 2000. Le compte rendu sur le lien suivant:
Les Crus du Beaujolais 1999 et 2000
Le 22 mars 2002
Les commentaires de dégustation sont de Laurent Gibet.
Quelques commentaires de contexte :
La dégustation est entièrement menée à l’aveugle, sans aucune indication de provenance des vins.
Nombre de dégustateurs : 12.
Ordre de dégustation :
1. Saint-Amour : Domaine du Clos du Fief (Michel Tête) 2000 :
Robe violacée, moyennement intense.
Nez expressif, développant dans un ensemble un peu alcooleux des notes de framboises écrasées, de pruneau, de fleurs, de marc, de poivre (qui font penser à Châteauneuf).
La bouche ne confirme pas : défaillante en structure, déséquilibrée par l’alcool et marquée par une sensation non noble de sucre résiduel, elle reste anodine. Le Gamay s’y exprime en fluidité, avec son côté « glissant ».
2. Chénas : Domaine des Tourniers 2000 :
Robe moyennement intense.
Nez acidulé, proposant de belles notes florales, fruitées (fraise, framboise). Des notes de banane fraîche écrasée (et oui, on trouve de la banane dans le Beaujolais).
Matière défaillante pour un vin simple et court, trop acide.
3. Juliénas : Domaine du Clos du Fief (Michel Tête) 2000 :
Robe violacée, juvénile.
Le nez est plus profond, engageant dans sa conjugaison harmonieuse de notes épicées, florales (violette) et de fourrure.
La bouche est équilibrée, typée « beaujolais » (du moins Gamay), pure et friande. Une belle réussite pour une gouleyance affirmée.
4. Fleurie : M. Coudert – Clos de la Roilette 2000 :
Des notes animales dominent le nez.
Bouche correcte, sans plus, acidulée, manquant de punch.
5. Fleurie : M. Coudert – Clos de la Roilette « Cuvée Tardive » 2000 :
Bonne intensité colorante.
Le nez est plutôt complexe, avec un boisé bien présent mais qui n’occulte pas complètement des notes de réglisse, d’épices, de fruits à noyau (griotte).
La bouche est réussie, fine, fraîche (désaltérante), avec une longueur satisfaisante. L’expression aromatique et structurelle s’apparente à celle du pinot.
6. Fleurie : Domaine du Vissoux – M. Chermette « Les Garants » 2000 :
Robe moyennement intense.
Le nez est souligné par un boisé caramélisé discret. Senteurs fruitées et florales s’associent dans un bel ensemble acidulé.
Bouche cohérente, possédant une structure conséquente soutenue par une bonne acidité. Ce vin paraît particulièrement fermé en l’état. Attendre 2 à 5 ans.
7. Morgon : Domaine Calot « Tête de cuvée » 2000 :
Nez assez complexe, mariant des parfums de réglisse, d’épices, de fruits acidulés. Notes originales complémentaires de fruits exotiques (coco), de genêt.
Malheureusement, la bouche ne confirme pas toutes ces promesses. Elle reste toutefois correctement bâtie, et développe des notes de fruits à noyau.
8. Moulin à Vent : Duboeuf Domaine de la Tour du Bief « Comte de Sparre » 2000 :
Nez légèrement boisé, en réserve, offrant des notes de fleurs et de fruits (griotte).
La bouche est calamiteuse : déstructurée (l’acidité s’impose), creuse, avec de plus des notes animales peu engageantes ponctuées par de la sécheresse !
9. Moulin à Vent : Duboeuf « Prestige » 2000 :
D’emblée, le boisé vous saute littéralement au nez.
La bouche confirme cette suprématie arrogante de l’élevage, pour une cuvée « passe-partout », avec de faibles notes de fruits lactés et vanillés, dont on doute qu’ils reprendront un jour leur véritable place dans cet ensemble peu typé. Reste pour les optimistes une structure conséquente, dépourvue de sécheresse.
10. Moulin à Vent : Domaine de la Rochelle « Comte de Sparre » 2000 :
Nez fruité : mûre, cassis, épices (poivre) dans un ensemble alcooleux et animal qui n’est pas sans rappeler le Languedoc.
Bouche sans charme, banale, manquant de gras, certes typée gamay.
11. Moulin à Vent : Domaine du Vissoux M. Chermette « Rochegrès » 2000 :
Le nez est une réussite, alliant des senteurs animales, de fruits, de fleurs, de réglisse.
Belle matière gourmande, typée, acidulée pour une persistance très correcte.
12. Brouilly : Domaine La Condemine « Les Roches Bleues » Elevé en Fût de chêne 1999 :
Nez fruité (groseille), floral et épicé, avec une pointe animale.
Bouche correcte bâtie, qui manque toutefois d’expressivité et de complexité.
13. Juliénas : Domaine du Clos du Fief « Cuvée Prestige » (Michel Tête) 1999 :
Le nez est dominé par des notes boisées et animales (cuir).
Bouche correcte, fraîche, pourvue d’un léger perlant.
14. Fleurie : M. Coudert – Clos de la Roilette 1999 :
Le nez associe des notes de fruits (groseille), d’épices (poivre) et animales.
La bouche ici encore exprime peu, s’avérant bien fluette et acide.
Le vin a été bien mieux dégusté lors de la dégustation de l’après-midi (jusqu’à 14,5 !)
15. Fleurie : M. Coudert – Clos de la Roilette « Cuvée Tardive » 1999 :
Nez sans surprise de nouveau floral et fruité.
La bouche reprend ces notes à son compte, dans un ensemble acidulé correct, sans plus.
Le vin a été bien mieux dégusté lors de la dégustation de l’après-midi (jusqu’à 15,5 !)
16. Fleurie : Domaine du Vissoux – M. Chermette « Les Garants » 1999 :
Le nez sort de l’ordinaire, avec ses senteurs animales (lard fumé), d’épices, de terre qui transportent curieusement au Sud vers Cornas.
La bouche est proprement construite, avec ce qu’il faut de structure (mais sans exclure la finesse), d’équilibre et de persistance.
17. Morgon : Domaine Calot « Tête de cuvée » 1999 :
Nez superbe, intense, parfaitement ouvert, qui déploie des notes de fruits et de fleurs.
La bouche affirme de nombreuses qualités : franchise, générosité, naturel, longueur. Ses notes de fruits compotés semblent pour certains signer l’expression de grenache.
18. Moulin à Vent : Domaine de la Rochelle « Comte de Sparre » 1999 :
Nez à dominante florale.
La bouche exprime un caractère revêche : elle est un peu acide, sévère (notes de rafle) et manque de finesse.
19. Moulin à Vent : Domaine du Vissoux M. Chermette « Rochegrès » 1999 :
Nez discret, alliant ici fruits, fleurs et épices.
La bouche ne semble pas vouloir se livrer facilement. A revoir.
20. Moulin à Vent : Château Des Jacques (Jadot) « Clos du Grand Carquelin » 1999 :
Ici aussi, le boisé se taille sans surprise la part du lion. On devine toutefois, dans un ensemble marqué par l’alcool, des notes florales et épicés, ainsi que de l’eucalyptus.
Bouche étrange, boisée, muette et surtout sèche. Pourquoi recourir à tant de bois sur un tel vin ?
Conclusion :
Niveau d’ensemble moyen.
Robes souvent peu intenses (mais il y a des exceptions), la relative pâleur rappelant parfois le pinot ou le grenache.
Les nez sont parfois superbes, avec un charme fruité et floral très typé, mais les bouches (acidulées, harmonieuses et gouleyantes pour les meilleures), manquent souvent d’ampleur.
Quelques belles réussites confirmées (par rapport à la dégustation faite au club en février 2001) : Vissoux, Calot, et à moindre titre Roilette (qui semble mal résister à l’aération).
Structure, longueur, franchise et finesse s’y expriment dans un équilibre satisfaisant.
Après 20 échantillons, on ne ressent pas la même fatigue que celle générée par la dégustation de vins plus tanniques ou méridionaux (alcool).
Les vins trop boisés, lourds, exempts de typicité et peu désaltérants ne sont pas convaincants (Duboeuf prestige 2000, Michel Tête prestige 99, Jadot grand Carquelin 99)
On converge enfin assez vite vers l’identification du Gamay du Beaujolais, mais :
la maturité de certains vins peut faire penser au grenache
la finesse fruitée, florale, épicée ainsi que la relative fluidité structurelle d’autres rappelle parfois le pinot.